Citer Adam Sandler à une pléthore de spectateurs français lambdas, c'est un peu comme leur demander " Ou est Charlie ? ", sans qu'aucun d'entre eux n'ait la foutue volonté de chercher une seule seconde le dit popotin du lascar dans sa BD, et ce même si tu leurs offrais à tous sa collection complète.
Dire donc que par chez nous le gars est inconnu - ou presque - au bataillon, est un doux euphémisme.
En même temps comment se la jouer surpris devant un peuple qui se paluche allégrement sur du Kev Adams et autres Dany Boon, en prétendant qu'ils incarnent les Vraies valeurs de l'humour à la française qui a tout pour nous rendre fier.
Moi perso tout ça, c'est loin d'être ma came et pour être poli je dirais tout simplement que cela me colle des plaques de boutons plus qu'autre chose.
Chacun ses faiblesses de petites natures quand on est cinéphiles - si on peut dire, hein.
Biberonné durant toute ma plus tendre enfance à l'humour décadent du Saturday Night Live - SNL pour les intimes -, j'ai été façonné en tant que cinéphile par le comique made in America, le Vrai, que je n'aurais aucun mal a proclamé comme le Best in The World, si la frayeur d'une potentielle révolte des lecteurs de cette critique - loin d'être tous pro-péloches d'humour US j'en suis sur -, ne me faisait pas un chouïa frémir.
Fer de lance du SNL durant les années 90, Adam Sandler c'est une trentaine de péloches sur vingt piges - la majeure partie des immanquables de la drôlerie conne et trash -, dont pile poil la moitié ont dépassés la barre symbolique des 100 millions de billets vert au box-office.
Qu'on se le dise dans le genre comédie y'a pas à tortiller du cul, personne n'est plus triomphant que lui dans le business.
Une vraie institution outre-Atlantique à la fois adulée des fans et cible favorite - souvent à tort - de la critique (excepté pour son récent et affreux Jack & Julie), qui s'est pourtant bâtie sur un sacré enchainement d'idées originales, et franchisé une seule et unique fois avec Copain pour Toujours 2, en 2013.
Et alors que son foutrement sympathique Pixels s'est littéralement gamelé au box-office mondiale (heureusement que le marché asiatique lui a permit de rentrer un minimum dans ses frais) cet été, le voilà de retour et plus en forme que jamais dans The Ridiculous 6, premier film de son juteux partenariat d'avec Netflix qui devrait en compter quatre dans un futur plus ou moins proche.
Nouveau coup de poker de la compagnie après avoir produit quelques-unes des meilleurs séries du moment, mais surtout le merveilleux Beasts of No Nation de Cary Fukunaga, de loin l'un des moments de cinéma les plus intenses de l'année.
La branche cinéma de leur portail à la demande étant la plus fragile, attirer dans leur filet un acteur aussi bankable que Sandler avait donc tout du pari osé, Netflix s’étant même depuis lancé dans la production de dix films originaux, dans lesquels figureront bien entendu les nouveaux films films du Adam, mais également le très alléchant War Machine avec Brad Pitt.
Un projet ambitieux tout autant que The Ridiculous 6, volonté à peine masqué du duo Adam Sandler/Frank Coraci - dont c'est leur septième association -, de tâter d'un des genres fondateurs du cinéma ricain, le western; le tout de manière comico-parodique.
Un véritable sous-genre magnifié par Terrence Hill et Budd Spencer en leur temps, et tout récemment remis au gout du jour aussi bien par Will Ferrell (le littéralement barré Casa de mi Padre) que par Seth MacFarlane (le mésestimé Albert à l'Ouest).
Composé d'un casting plus alléchant tu meurs; les habitués du Sandler-verse (les comparses de toujours Rob Schneider, David Spade, Steve Buscemi, John Turturro, Jon Lovitz, Nick Swardson ou encore Vanilla Ice et Chris Kattan), les fraichement débarqués dans sa bande (Terry Crews déjà de Blended, Taylor Lautner qui en était de Copains pour Toujours 2), quelques légendes du cinéma ricain (les inestimables Harvey Keitel, Nick Nolte et ce bon vieux Danny Trejo) et même des petits nouveaux déjà rompus à la comédie US du bon gout (Will Forte, Luke Wilson, Steve Zahn et Jorge Garcia); ce Sept Mercenaires sauce déglingué ne pouvait donc que plaire les amateurs de ce genre à part entière.
Et le coche est loin d'être loupé puisque cet hommage décomplexé et très singulier au cinéma de Sam Peckinpah - La Horde Sauvage évidemment -, Sergio Leone et John Ford est un sommet d'humour pipi-caca-prout prout à la potacherie totalement assumé (pauvre bourricot), un pur plaisir coupable gras et hilarant qui n'a que pour seul prétention que de vous faire délirer pendant près de deux heures.
Porté par pitch hautement simpliste - comme toute bonne comédie de la filmo Sandler -, avec son histoire de blanc élevé par les Apaches qui pour sauver la tête de son paternel, se lance dans une quête pour trouver 50 000 $ avec ces cinq demi-frères dont il a fait la connaissance sur sa route; The Ridiculous 6, un poil longuet il est vrai, ne recule devant aucune barrière pour faire rire, quitte à, justement, constamment repousser les limites du ridicules.
Pour les non-initiés, le calvaire n'est jamais loin mais pour les amateurs, c'est le 14 juillet en plein hiver.
D'un âne à la diarrhée facile à un non-respect total des figures emblématiques de l'histoire américaine (Abraham Lincoln, Mark Twain et même Wyatt Earp) en passant par un Taylor Lautner en pur bouseux incarnant une connerie tellement irritante qu'elle en est jouissive (à la différence de Twilight, là le type est génial) ou encore un Jorge Garcia énorme en yeti mutique; le nouveau Adam Sandler est, une fois encore, l'une des comédies les plus drôles et sympatoches de l'année, et on ne peut que se laisser séduire par sa bonne humeur communicative et son accumulation indécente de stars venues y prendre du bon temps.
Sincère dans sa connerie et à l’esthétique léchée (Coraci soigne sa réalisation et cadre de superbes paysages), plus bandant et crétin qu'un Shanghai Kid mais moins fou furieux que Casa de Mi Padre (au non-sens délirant), le premier film du comique sur la plateforme Netflix est une réussite indéniable dans son genre.
Longue vie au roi Sandler et à sa bande de fous talentueux, tant qu'ils conserveront leur liberté de ton, l'humour potache et touchant aura de beaux jours devant lui - et puisse t-il en avoir encore pendant des lustres.
Jonathan Chevrier
http://fuckingcinephiles.blogspot.com/2015/12/critique-ridiculous-6.html