Il paraîtrait qu'à Los Angeles et New York, un nanar d'exception déchaîne les passions. À la manière du Rocky Horror Picture Show, il y est diffusé une fois par mois au cinéma et les spectateurs hurlent les meilleurs répliques en jetant des couverts sur l'écran. Pour vous, j'ai enquêté. Oh oui, joie, félicité, sonnez trompettes, résonnez hautbois, il y a effectivement un nouveau meilleur pire film du monde, c'est The Room.
Vous vous souvenez d'Hubert, votre camarade de CE1 ? Mais si. Au départ, il devait jouer un rôle avec une seule réplique pendant la fête de fin d'année, puis un arbuste, puis il devait juste être en coulisses, et à la fin l'instituteur lui a donné cinq cent francs pour qu'il reste chez lui. Voilà, imaginez que ce type ait écrit, réalisé et joué le premier rôle d'un film.
Johnny offre une robe à Lisa, Lisa est contente. Visiblement, l'apprentissage de la mise en scène s'est fait en prenant des notes pendant le visionnage d'Hélène et les garçons et de Côte Ouest. Ah, je crois que les acteurs ont appris leur métier à la même école. Pour des raisons inconnues, Johnny glousse toutes les trente secondes. En fait si : on sait pourquoi, Hubert (Tommy Wiseau de son vrai nom) joue très très mal.
Johnny et Lisa montent dans la chambre. Ils se battent avec des oreillers. Denny les rejoint, ils lui font comprendre qu'il faut qu'il parte pour faire ses devoirs. Ce qui est bizarre, parce que l'acteur qui joue Denny doit avoir à peu près 35 ans.
La musique démarre. Les paroles sont splendides, un peu comme si Frank Michael avait partagé la plume avec Herbert Léonard.
« Je gravirai la plus haute des montagnes
Je passerai dans un cercle de feu pour te montrer que je t'aime.
Je le ferai
Je le ferai
[AD LIB] »
Ça excite Johnny et Lisa, alors Johnny fait l'amour à la hanche de Lisa, et ils gémissent.
Le réveil sonne. Johnny se réveille et sort se changer. Il joue toujours aussi mal, mais peut-être que son personnage est censé être un cyborg mi-croate mi-belge. Le modèle glousse-2000 part au travail.
La mère de Lisa vient. Lisa lui explique qu'elle n'aime plus Johnny. Sa mère, qui est de bon conseil comme toutes les mamans, lui dit qu'elle devrait se marier avec lui, parce qu'il est riche. Lisa dit qu'elle est d'accord, alors sa mère repart, sans qu'on sache très bien pourquoi elle est venue au départ. En même temps, peut-être qu'elle l'a expliqué et qu'on n'a pas écouté, tant on était absorbé par son brushing improbable.
Lisa appelle son amant : « Je vais faire ce que je j'ai envie de faire ! À ton avis, je devrais faire quoi ? » Le spectateur crie « ce que tu as envie de faire, duconne, tu viens de lui dire », mais elle n'entend pas.
Mark, son amant vient la voir. Il fait chaud, ils se déshabillent, ils se font des bisous dans le cou, couchés dans l'escalier en gémissant. Une autre chanson démarre...C'est beau :
« Tes baisers sont doux comme la brise d'été
Ton amour est ce qui me rend libre
Tu es une rose pour moi
Tu es ma rose, bébé. »
Johnny va acheter des fleurs. Le dialogue a été écrit par Audiard. Oui, Audiard, mais Abélard Audiard, celui qui fait nègre pour Harlequin. Pour ne pas trahir la poésie du texte, les répliques ont été traduites mot-à-mot et la ponctuation respecte les émotions véhiculées par les acteurs.
« Je pourrais avoir 12 roses ?
- Oh Johnny je ne savais pas que c'était toi. Les voilà
- Oui, c'est moi. Merci.
- C'est 18$.
- Voilà.
- Tu es mon client préféré.
- Salut le chien. »
C'est tellement beau que ça me fait pleurer du sang.
Saviez-vous que parfois les femmes sont stupides, parfois elles sont intelligentes, et parfois elles sont méchantes ? Saviez-vous que cette réflexion fait de Mark un expert ? Saviez-vous que le mélange whisky/vodka est un cocktail ? Saviez-vous que le chocolat est le symbole de l'amour ? Saviez-vous que si beaucoup de gens s'aimaient, le monde serait un endroit meilleur ?The Room, un film qui rend vraiment plus intelligent.