The Shamer est l'adaptation cinématographique d'une série de romans d'Heroic-Fantasy danois à succès des années 2000, se plaçant dans un contexte où la production de cinéma de genre est en plein boom en Scandinavie, ce film peut faire penser, dans sa lecture la plus primaire, à une simple redite du Seigneur des Anneaux ou Game of Thrones, car oui, il y a des batailles à l'épée, des créatures fantasmagoriques, des intrigues politiques et... des dragons. Un pitch de base pour le moins convenu certes, mais The Shamer présente tout de même des qualités indissociables du cinéma danois, une atmosphère luxuriante, une façon de filmer les paysages très particulière, et une approche globale originale et parfaitement exécutée, tout est en place pour attirer l'attention du spectateur dès les premières minutes.
Explications:
L'histoire du film de Kenneth Kainz se déroule dans un environnement médiéval-fantastique, empli de dragons et de pouvoirs surnaturels, on suit l'histoire de Dina, une petite fille qui a hérité du don de sa mère. Elle peut maintenant regarder directement l'intérieur de l'esprit d'une personne à travers ses yeux, et percevoir son âme, tout en étant capable de faire ressentir aux gens la honte de leurs actes. Lorsque l'héritier du trône du pays est accusé d'une série d'horribles assassinats au sein de sa famille, la mère de Dina est convoquée dans la capitale dans le but de lui faire avouer ses actes. Refusant d'utiliser sa capacité dans un but politique, elle est faite prisonnière. La tâche de démasquer le meurtrier revient maintenant à Dina, qui se retrouve malgré elle embarquée dans une dangereuse lutte de pouvoir, risquant sa propre vie pour sauver celle de sa mère...
Le simple fait de voir une petite production danoise parvenir à recréer un monde d'Heroic-Fantasy aussi crédible est déjà exceptionnel en soi, les intrigues politiques et autres scènes de bravoure sont ici portées par des acteurs pour la plupart totalement inconnus, voir même inexpérimentés, et pourtant, on y croit, tout paraît juste et justement joué, et c'est vraiment surprenant. Un tel niveau de détail, de soin apporté à la conception artistique pour une production à si petit budget, on ne voit pas ça tous les jours.
Le scénario est écrit par Anders Thomas Jensen, un acteur-réalisateur-scénariste connu principalement pour son film "Lumières Dansantes" sorti en 2000 (et dont on reparlera bientôt pour son nouveau film "Men & Chicken"), et son travail n'est pas anodin dans la bonne tenue de ce film. Le script est clairement l'un des gros points forts. Les lignes de dialogue sont naturelles, s'imbriquent l'une après l'autre sans difficulté, et semblent réellement pensées pour coller avec la personnalité de chaque acteur. Pour un film qui repose autant sur son histoire et ses personnages, c'est un aspect capital, et fort heureusement, c'est réussi!
L'écriture parvient également à rendre le film captivant dès les premières secondes, bien qu'un creux se fasse ressentir vers le milieu du film, en réalité, ce film aurait largement pu être raccourci de vingt bonnes minutes pour conserver un rythme constant, même si sa durée d'environ 1h35 le rend tout de même largement accessible, on sent toutefois que certaines scènes tirent en longueur et que le scénario a été quelque peu rallongé artificiellement, cependant, il serait sans doute difficile d'y changer quoi que ce soit, ne serait-ce que pour la cohérence de l'histoire.
La direction artistique du film mérite également d'être saluée. On ressent une vraie sensation de grandeur, d'épique, tout en restant bien conscient qu'on est dans une petite production danoise. Ce monde fantastique créé de toutes pièces a quelque chose d'étrange et d'inhabituel dans le sens où il reste très terre à terre, ne plongeant jamais la tête la première dans le pur film de Fantasy. C'est une caractéristique que tous les amateurs de cinéma danois connaissent, nos amis du nord n'ont pas leur pareil pour créer des histoires en phase avec la réalité. On est clairement dans une production, un univers, qui n'a pas la folie des grandeurs, cela se ressent d'ailleurs à travers le casting, qui n'est pas spécialement talentueux, mais dégage une vraie prestance, et cela fait plaisir de voir enfin un film médiéval joué par des acteurs qui en imposent, qui ont de la gueule, ça nous change des minets de la clique d'Eragon/Narnia et co...
Au milieu de cette troupe de mâles virils, une petite fillette du nom de Rebecca Emilie Sattrup réussit à s'imposer dans le rôle principal, et ce n'est par rien quand on sait qu'il s'agit de sa toute première performance d'actrice. Comme le reste du casting, elle ne possède pas un talent exceptionnel, mais remplit son rôle à merveille, dégageant un naturel complètement fou, à la fois dans son apparence et dans sa gestuelle. Pour le coup, c'est un très bon choix de casting, qui apporte un vrai plus au récit, et une jeune actrice à surveiller dans un futur proche.
Sur un plan plus formel, le film est visuellement très impressionnant. On peut facilement déceler que beaucoup d'efforts ont été entrepris dans la création d'une imagerie saisissante, et d'une photographie magnifique. Les scènes de visions de Dina en particulier, sont de belles expériences visuelles très inventives et magnifiquement réalisées.
Cependant, même sur le plan visuel, quelques point noirs sont tout de même à signaler, le budget du film a certainement été massivement utilisé dans la création des CGI, notamment pour les dragons, qui sont étonnamment réalistes pour une petite production, à côté de ça, les effets pratiques sont quelque peu décevants, notamment en ce qui concerne les scènes violentes, et les explosions en tout genre, ce qui contraste avec la qualité des accessoires, costumes et maquillages, qui sont pour le coup vraiment impressionnants et criants de réalisme.
Pour résumer, un film qui fait plaisir à voir dans le paysage cinématographique actuel, une production d'Heroic-Fantasy danoise n'est pas monnaie courante par les temps qui courent, et The Shamer possède clairement tout ce que l'on peut attendre d'un film du genre, des acteurs charismatiques, un univers riche et visuellement magnifique, et surtout une écriture intelligente, qui parvient à rendre crédible même les aspects les plus étranges du récit, parvenant sans peine à magnifier une histoire de base quelque peu faiblarde. Les petits morceaux d'originalité parsemés à travers le film, comme les pouvoirs de la Shamer ou le design des dragons, soufflent comme un vent frais au milieu d'une production de médiéval-fantastique trop souvent versée dans le film familial formaté ces dernières années. En somme, un petit film qui ne paie pas de mine, mais se distingue tout de même sans peine!