Le truc avec les films très fortement accentués sur l'immersion du spectateur, c'est qu'il faut accrocher dès le départ. Généralement leurs scénarios décalés, originaux ou intriguant sont très typés, et les meilleurs jouissent également d'une direction artistique toute aussi à la marge. Il faut donc accepter d'être chamboulé pendant la séance, et garder l'esprit ouvert pour en apprécier la teneur. Et c'est là qu'apparait généralement la fracture avec les spectateurs, car ce ne sont généralement pas des films grands publics, qu'ils soient considérés comme films de genre ou pas d'ailleurs. Pas d'action à outrance, pas de placements produits, peu ou pas de têtes d'affiches, et surtout, une véritable volonté de s'affirmer d'un point de vue artistique.
The "Signal" est à mon humble avis dans le haut du panier des films de genre à ambiance, grâce à une photographie toujours juste, constamment à la recherche d'une technique parfaitement compatible avec l'action en cours sans jamais lui nuire, (au contraire) ainsi que d'un scénario simple, efficace, mais surtout déroutant. Par ailleurs le rythme lent peu rebuter.
Côté photographie donc, on est sur un nuage. Vraiment. William Eubank cherche très souvent à créer un décalage, voir carrément à vous faire décrocher du réel grâce à des effets de caméras, et autant numérique que classique. Il y a du génie la dedans, car le spectateur est doucement et subtilement amené à s'interroger sur la réalité de l'action en cours tout en dévorant l'écran des yeux. C'est beau, c'est calme et surtout on prend le temps de vous immerger dans l'histoire. Parce que oui, le rythme est aussi particulier. Lent, envoûtant, presque onirique. Il est lui aussi en parfaite adéquation avec le reste, propre au questionnements et aux introspections. Classe.
Est-ce un rêve, le début de la folie ? Dur à dire jusqu'au final, justement, et j'adore ça.
J'ai adoré la construction méthodique du final grâce à ce jalonnement d'indices subtils de la technique, en parfaite symbiose avec le scénario. C'est suffisamment rare pour être cité.
Côté scénario, on note qu'une âme particulière plane au-dessus de vous pendant toute la séance.
Les acteurs sont parfaits, incarnant des personnages peu développés mais intéressants pour leurs facettes intrigantes. Les twists sont bien sentis, surtout le final avec ses accents de Dark City, et dans l'ensemble, j'ai été emporté par cette histoire sombre, aux accents graduellement dystopiques.
Mais voilà, si au final j'ai été marqué par la photographie et par l'ambiance, j'avais une impression bizarre face au scénario. Un manque de profondeur, une sorte d'aigreur inexplicable qui dénote un peu. Tous les personnages sans exception sont très peu développés, et l'histoire pourrait manquer de profondeur au premier abord. Pourtant tout est là. C'est justement ce qui crée cette alchimie subtile et ce mal-être constant. On ne sait rien mais on ne peut s'empêcher d'avoir de l'empathie pour les trois ados parce qu'ils sont communs. Parce qu'ils pourraient être n'importe qui. Des rêves simples, une vie en devenir, des gens simples.
Du coup cette froideur devient une force capable de vous chambouler, de vous sortir des sentier battus du cinéma, et c'est quand on a comprit ça qu'on se dit qu'on a vu un excellent film.