Un soir de cérémonie des oscars, une bande de gais lurons, (un rien pénibles) vient assister dans un bar de L.A à la cérémonie des oscars retransmise à la télévision. Seul deux autres clients sont présents, une dame la quarantaine pimpante, bavarde et un tantinet exubérante et un homme d’une soixantaine d’années taciturne et silencieux accoudé au comptoir.
Non de loin de là, au NBC Century Theatre un oscar d’honneur est remis au producteur-réalisateur Arthur Vaile, qui s’empresse de le dédier à son comparse, Kelsey Dutton (Buster Keaton) acteur comique de cinéma muet, avec lequel il fit équipe dans les années 1910, mais qu’Hollywood a pris grand soin d’oublier depuis (Vaile ignore même où il se trouve).
Réalisé dans le cadre d’une série de courts-métrages confiés aux grands réalisateurs de l’époque (Screen Directors Playhouse), The Silent Partner rend un hommage élégant et vibrant à l’immense JFK, premier du nom (John Frank Keaton), hésitant avec bonheur entre une tendre nostalgie et un burlesque débridé. Alternant les séquences filmées au bar, là ou le plus hardi crétin de la troupe d’amis provoque la colère de l’élégante et l’agacement de l’homme silencieux par son irrespect, et surtout là où se noue la dramaturgie du film ( le mystérieux homme au canotier, et la stupéfaction de sa voisine lorsqu’elle comprend peu à peu qui il est)) et celles tournées à la cérémonie des oscars ; le court tourne tel une trotteuse à un rythme trépidant.
La remise de l’oscar d’honneur donne en effet lieu à deux séquences souvenirs hilarantes dans lesquels Buster fait montre de tout son talent et de son allant, intacts à presque 60 ans. Le premier « courtissimo » restitue les débuts de Kelsey au cinéma, qui se trouvant à proximité d’un incendie (initié pour les besoins d’un film) se met en tête de sauver une belle prisonnière d’une chambre en feu. Kelsey, comique involontaire, regrettant que l’on rie à ses dépens, et héros tout aussi involontaire sauvant la belle comme il le fera dans le second courtissimo, présenté comme son premier film, un western dans lequel il est un garçon de saloon maladroit désarçonnant les plus dangereux bandits.
Ce second « sketch » burlesque, nous permet de retrouver -l’œil un peu humide avouons-le-, un Buster, encore cabriolant et aussi bon que dans ses premiers films, ce qui peut laisser à penser que lesdites scènes ont été réalisées par le génie lui-même ; et comme il n’existe pas de preuve du contraire je m’endormirai heureux avec cette idée…
Puis vient l’épilogue, l’exubérante, tout à fait convaincue maintenant d’avoir reconnu le partenaire silencieux, provoque malgré elle la curiosité insistante des quidams encombrants qui se pressent autour de l’acteur. Ce dernier, secoue la tête, fronce le sourcil s’étonne, s’indigne toujours silencieux dans un magnifique numéro d’acteur muet, puis « règle son compte » au plus indésirable des importuns. Soudain, Buster parle, d’une belle voix grave taillée pour le cinéma parlant, son ami le producteur entre dans le bar, hilare, heureux de retrouver son comparse, l’entraine vers la sortie, l’emmenant de nouveau vers les feux de la rampe que l’immense acteur n’aurait jamais dû quitter…