Étrange objet filmique que cette transposition sur grand écran de la mini-série "The Singing Detective", créée par Dennis Potter en 1986 et alors réalisée par Jon Amiel. Potter souhaitait adapter son récit semi-autobiographique au cinéma et son scénario est allé de mains en mains durant toute une décennie avant d'atterrir enfin entre celles de Mel Gibson qui produisit le long-métrage tout en s'octroyant un rôle tandis que l'acteur-réalisateur Keith Gordon (le Arnie Cunningham du Christine de Carpenter) s'occupe de la mise en scène. Le résultat est hélas désolant.
Dennis Potter étant décédé en 1994, son scénario n'a pas été remanié et demeure tel quel, avec les mêmes dialogues, les mêmes situations, les mêmes personnages (seul le héros Philip Marlow voit son nom modifié en Dan Dark, enlevant au préalable toute la référence méta de son blase). Pour autant, quelqu'un s'est occupé de raccourcir le script. Qui ? On ne le saura pas. Pourquoi ? Pour tenter de faire rentrer 6h30 de métrage dans 1h45 et penser proposer un résultat cohérent. Idiotie sans nom aussi couillue que forcément casse-gueule, The Singing Detective est l'exact opposé de son modèle britannique : confus, ennuyeux, mis en scène de façon bariolée et monté n'importe comment.
Le rythme particulier de la mini-série avait en lui de naviguer habilement entre souvenirs, réalité et hallucinations, proposant une intrigue inédite et décalée mais toutefois hypnotisante, laissant le spectateur s'attacher aux personnages et découvrir, six épisodes durant, les tenants et aboutissants d'un récit à la fois sordide et profond. Ici, tout s'enchaine à une vitesse folle, empêchant clairement l'identification, la clarté et l'approfondissement d'une histoire charcutée pour tenir sur moins de deux heures. Il y a certes un joli casting (bien que Robert Downey Jr. peine à égaler la performance inoubliable de Michael Gambon et que Gibson s'offre l'un de ses rôles les plus ridicules en médecin dégarni) mais aucune séquence n'arrive à émouvoir, à terrifier, à exalter comme ce fut le cas pour le modèle d'origine.
Partant d'une bonne intention mais présenté de la manière la plus maladroite (la plus bâclée ?) qu'il soit, The Singing Detective est une leçon de cinéma prouvant qu'on ne peut pas caler presque 7h de bobine en un film d'1h45 et qu'on ne peut certainement pas juste décalquer des dialogues et des situations sans les avoir au préalable adaptés pour un autre format. Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. Déçus de ce patchwork bigarré et inconsistant ? Reportez-vous sur la série originale, toute aussi étrange mais bien plus sagace et maîtrisée.