Mercredi 14 janvier, 19H50. Cinema Utopia, Bordeaux. Passage furtif devant l'exposition sur Charb, Utopia est Charlie !
Puis, une salle plutôt remplie, des vieux, mais surtout des jeunes, pas là par hasard, tous intéressés par Larry, les planches à roulettes ou le cinema aussi. Noir complet et je lève la tête, 1h28 en prévision, sans appréhension. 22h, sortie de séance, révélation, ce soir, j'écris.

Dans la salle, il fallait des initiés. Avec Larry, on s'installe dans le cinema de genre, son genre.
L'aspect fantasque est là, si vous aimez le raisonnable, ne vous accordez pas ce moment de déconne ou le phallus est en tête d'affiche. Ici, il nous condense son style, avant tout du skate, puis un cadrage serré, tout ça pour le sexe, toujours le sexe, et pour la provoc, encore la provoc - Insane !

Oubliez les "Kids" de New York pendant un instant. Parisians Teenagers, c'est de quoi on parle. Plusieurs adolescents gravitent dans ce Paris désabusé aux allures d'un spot de drogués. Mercantiles au possible, aimant le cash, la baise, la boisson et la défonce, ils sont fidèles à tous les personnages de Larry en général, à la seule différence que cette fois ci, on a l'impression qu'ils se rendent compte de leur existence.

A l'image des comédiens, ce film est frisé, suintant, maladroit. La caméra renifle le corps des personnages des pieds a la tête - "The Smell of Us", tout simplement.
Pour le cinéaste, le corps de fiction, c'est l'adolescent en lui même et bien plus. Notre enveloppe corporelle l'inspire au plus haut point, c'est le sujet photographique du film. Grâce à sa manière de rendre le corps sensé, intéressant à l'écran, il nous rappelle qu'il n'est pas seulement un homme de cinema, mais avant tout un artiste de la photo, sans cela, le film n'aurait aucun relief.

On rentre dedans, pas de dénonciation, juste un léger constat, on ne cogite pas. L'image n'éveille pas nos consciences, elle hypnotise juste nos yeux, elle nous laisse voyeur.

On commence la projection devant une sortie de lycée, et on la finit, on ne sait ou, non loin probablement de l'esplanade du Palais de Tokyo, ça pour dire vrai, on s'en fout. Entre temps, beaucoup plus important, The Smell of us c'est des séquences, du vicieux, du malsain, du dégoutant, de l'infâme, de l'indigne, de l'abject, du dérangeant, de l'émotion, du passif et j'en passe.
Passé d'une traite, on ne comprend pas comment ça commence, et on ne souvient déjà même plus pourquoi ça s'est finit.

Innovant, ça c'était avant. Mais, en 2015, ça c'est sur, ici on y est. On se refuse tous par moral ou conception à voir certaines images alors que notre époque vénère l'exhibition - To be or not to be !

L'esthétisme des corps avant tout. Les corps rien d'autre que le corps. Le décor, c'est les corps, et c'est en cela qu'il reste crédible. Même si l'histoire qu'il nous vend se veut sociétal, le propos n'est pas là. Le bonhomme nous crache des images qui font partie de la vie, pas forcement de la votre, ni celle d'une personne, mais celle d'une vérité qui a le mérite d'être montré.

Mais il y a du mal avec Larry. Alors que l'on désire un semblant de trame narrative, on se retrouve pour la énième fois avec une maigre récolte, simplement un ersatz scénaristique qui doit nous contenter - Têtu le monsieur !
Aussi, on regrette que les personnages n'aient pas plus de profondeur, un soupçon, rien qu'un soupçon de plus, on ne demande que ça. Il est bien dommage que l'exploitation des comédiens durant le tournage n'ait pas donné une exploitation narrative des personnages à l'écran - C'est qu'il n'est pas facile mister Clark !

Dans ce fabuleux bordel poétique polyphonique, on retiendra particulièrement l'image des corps usés, tatoués, stigmatisés de cicatrices, se consumant à la vitesse d'une cigarette.
Cette cigarette, c'est leur vie, elle brule, leur monte à la tête, et s'envole en fumé.
En nous intoxiquant pendant un temps, le film cherche à nous piquer les yeux, dans les deux sens du terme.

Eut-il tort de faire ce film ? A l'âge de raison, Clark est un brise-raison, et nous avons tord.

PS - N'ayez pas peur des fétichistes, et des vieux, la jeunesse c'est dans la tête.

Soyez d'accord pour être en désaccord.
WoWa
7
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le 15 janv. 2015

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Mo Ma

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