The Social Network par Deb
Facebook. Phénomène d'ampleur mondiale, intergénérationnel et qui est en passe de devenir le nouveau Microsoft, le nouveau Google de la génération Y, que ce soit d'un point de vue omniscience — on tient là en flagrant délit le nouveau Big Brother — que d'un point de vue financier. Une ascension pareille, jamais on aura connu cela auparavant : plus d'un internaute sur quatre inscrit au réseau en moins de cinq ans, des revenus de milliardaires pour le jeune Zuckerberg (et ses associés). Hollywood ne pouvait rester insensible à cette success story que seuls les États-unis savent fabriquer, et la réalisation du projet est tombée entre deux paires de mains expertes : Aaron Sorkin, scénariste de renom dans le milieu télévisuel et David Fincher, virtuose visuel, réalisateur de Se7en, Fight Club, Benjamin Button.
Débutant par une scène hallucinante — en VOST, on se surprend les yeux rivés aux sous-titres, c'est dire — le film possède un rythme soutenu, enchaînant les dialogues et les situations aussi rapidement et follement que le succès de la petite start-up créée à Harvard. Du dortoir que se partagent les premiers employés au open spaces d'un étage entier de building en passant par le moment-clé de la colocation à San Francisco, on observe jours et nuits les malins génies derrière Facebook, parallèlement à sa montée en puissance, de l'élitisme de quelques universités au déploiement inévitable vers le grand public. Formellement réussi (la course d'aviron suffit comme preuve de la maîtrise technique de Fincher), interprété avec brio (même Timberlake), doté d'une BO remarquable (merci Reznor), le film ne manque pas d'atouts classiques.
Mais ce qui rend véritablement la vision de l'œuvre plus qu'agréable, ce sont la qualité de l'écriture et le parti pris de son scénario. Avant d'être un film sur la création-même de Facebook, 'The Social Network' est d'abord une histoire de rivalités, nées dans les désirs de succès, de pouvoir et de contrôle. Entre celui qui possède le germe de l'idée, celui qui la concrétise, celui qui la finance, ceux qui la développe, qui héritera des lauriers, des courroux ? Intelligemment conçu autour des deux procès intentés par d'anciens collaborateurs à l'encontre de Mark Zuckerberg, actuel CEO de Facebook et autiste au cœur du projet depuis son début, le film oscille entre la tumultueuse construction brique par brique de Facebook et les règlements de comptes postérieurs face à la justice, en offrant une clarté bienvenue dans une affaire d'une complexité certaine. De plus, la subtilité dans le traitement des faits restera un des aspects notables du long métrage : impossible de déterminer si, en définitive, Zuckerberg est un salaud ou non.
En évitant de s'enfermer dans le cliché du film de geeks pour les geeks, en transcendant ce matériau brut, Sorkin et Fincher ont fait de 'The Social Network' une tragédie haletante, non pas une course — littéralement — à la technologie mais à l'humanité, vaine.