The social network, c’est d’abord l’histoire d’une revanche (d’une vengeance ?), celle d’un nerd en claquettes qui n’aime personne ou qui fait tout pour le faire croire. C’est l’histoire de Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, jeune informaticien d’Harvard limite asocial qui, après s’être fait jeter par sa copine, en arrive à créer un site à tendance "partage social" d’abord étendu à trois ou quatre universités américaines. En accédant progressivement à une forme d’influence totale (mondialisation de Facebook, premier million d’utilisateurs et autant de dollars engrangés), Mark perdra le seul véritable ami qu’il avait (Eduardo Saverin, co-fondateur de Facebook), et c’est là, en quelque sorte, le "message" à comprendre à la fin du film (l’amitié, c’est plus important que l’argent et la gloriole, mec) parce qu’on est dans une success story et parce qu’on est en Amérique et parce qu’il faut une morale en point final, forcément.
The social network reste un film tout ce qu’il y de plus conventionnel, une sorte de biopic étrange et malade sur un gamin pas franchement intéressant ni complètement sympathique. Et si le personnage de Zuckerberg (en tout cas dans la fiction de Fincher) apparaît avec des zones d’ombre qui en font, en filigrane, un égocentrique, un manipulateur et un frustré du pouvoir, le film, lui, reste assez lisse, standard, impersonnel à la limite (Fincher ou un autre, personne n’aurait remarqué la supercherie).
Fincher s'active comme il peut (montages parallèles, temporalités différentes et quelques "climax" à faire qui n’en sont pas vraiment comme la scène d’ouverture, la course d’avirons ou la rencontre avec Sean Parker, le créateur de Napster) pour tenter de dynamiter une intrigue linéaire, basique et qu’on aurait souhaitée plus accrocheuse ; du procès, du jargon informatique, des trahisons et des querelles affectives, pas très motivant comme programme à faire durer (et à endurer) pendant deux heures. Mais Fincher a su s’entourer d’une équipe technique de premier choix, octroyant à son film un cachet sur mesure et bien au-dessus de la moyenne : casting brillant, jeune et prometteur, Jeff Cronenweth (Fight club) à la photographie, fils de l’illustre chef opérateur Jordan Cronenweth (Blade runner), Atticus Ross et Trent Reznor, de Nine Inch Nails, pour la musique entêtante (son Closer avait servi au générique culte de Se7en), et Aaron Sorkin au scénario, créateur d’une des séries télé les plus passionnantes de ces vingt dernières années (À la Maison Blanche).
On reconnaît, d’ailleurs, son art du dialogue fourni, toujours aussi vif et habile, mais n’empêchant pas une certaine déconvenue face à une œuvre bavarde qui semble s’essouffler sur place et ne raconte rien de transcendant. Si Facebook a clairement révolutionné Internet, The social network, bizarrement plébiscité (parce que c’est Fincher ?), ne révolutionnera pas l’histoire du septième art ni la filmographie de Fincher, mal en point depuis Zodiac. Et pour l’année prochaine, qu’on nous épargne si possible les éventuels films sur Twitter ou sur Bill Gates, merci par avance.