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"The Social Network" est typiquement le genre de film que l'on attend avec un sentiment mêlé de craintes et d'optimisme. Optimisme dû en grande partie par le simple nom du réalisateur, Fincher restant quoi qu'on en dise un gage de qualité question mise en scène et narration, et possédant une filmographie au-delà de tout reproche, avec pêle-mêle des chefs-d'œuvres absolus ("Seven" et "Fight Club" pour ne pas les nommer), et d'autres plus "mineurs" mais toujours extrêmement aboutis ("Zodiac", "The Game", entre autres). Craintes, cependant, en raison d'un sujet plus que casse-gueule, s'attaquant à un phénomène social n'excédant pas les 5 ans et dont la pertinence sur un long-métrage pouvait laisser dubitatif, sinon sceptique. Et pourtant, et pourtant...
Dire que ce nouvel opus de Fincher est son film le plus sobre au niveau visuel confine à l'évidence. Réalisation léchée mais relativement discrète, des plans de caméras tout en mouvement mais sans fioritures, une photographie à tomber tout en restant loin des retouches Photoshop de "Zodiac" : pour Fincher, l'heure n'est plus à la démonstration, mais au récital. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : une partition menée de main de maître nous happant deux heures durant au coeur de la naissance de "Facebook", où coups bas, trahisons, ambitions et sacrifices font tout le sel de ce docu-fiction aussi bavard que passionnant.
Bavard, le mot est lâché. Dès les premières minutes du film, le ton est donné, noyés que nous sommes par le débit d'un Jess Eisenberg détestable mais littéralement habité. Cinq minutes de dialogues parfaitement ciselés qui donneront le rythme général d'un film dense tout en restant parfaitement compréhensible et pertinent. Car ce n'est pas le moindre des tours de force de "The Social Network" que de proposer une expérience cinématographique aussi dense au niveau informationnel, tout en réussissant l'exploit de le vulgariser sans lui faire perdre son essence et sa substance.
Film de dialogues (magistralement écrits par Aaron Sorkin – "À la Maison-Blanche", excellentissime série), extrêmement documenté, le nouveau Fincher surprendra, décevra peut-être, en laissera beaucoup sur le carreau, mais peut se targuer de proposer une expérience cinématographique rare, dont la richesse, bien que perpétuellement prégnante, ne saura se livrer qu'au cours des visionnements ultérieurs.
Telle une partition musicale, les dialogues cisèlent habilement le rythme du film, sans aucun temps mort, nous faisant constamment ressentir la vitesse et le sentiment d'urgence avec lesquels Zuckerberg a engendré "Facebook", tout en marquant intelligemment les rapports entre les différents protagonistes et les enjeux en découlant. Soutenus par une BO au diapason d'un Trent Reznor inspiré, ceux-ci sont à n'en pas douter la plus grande réussite d'un bijou de maîtrise.
Porté de plus par un casting surprenant (dont un Justin Timberlake excellent en génial dilettante opportuniste) , parfois à la limite du cabotinage mais souvent juste, toujours investi, "The Social Network" est sans aucun doute possible une pièce maitresse de la filmographie de Fincher, loin de ses œuvres cultes d'antan, mais pleinement en phase avec son époque, affinant son style pour le faire plus discret, sans laisser de côté son caractère subversif et pertinent sur le monde qui l'entoure.