Un Fincher, c'est un peu comme du riz Oncle Bens®, c'est toujours un succès. The Social Network ne déroge pas à la règle, peinture charbonneuse d'un milliardaire précoce, bien loin des biopics blafards.
Un film sur Facebook, fallait oser. Faut dire que la success story du roux le plus célèbre du monde n'est pas banal. Marc Zuckerberg, 26 ans, pèse 25 milliard de dollars, ce qui fait de lui le plus jeune milliardaire de l'histoire. Son histoire à lui, on la connaît. Étudiant à Harvard, informaticien prodigieux, il pique l'idée d'un réseau social sur le campus universitaire à deux aristos rameurs (les jumeaux Winklevoss). Faisant mine de travailler sur leur projet (appelé à la base HarvardConnection), Zuckerberg développe en parallèle TheFacebook, qui deviendra par la suite Facebook et qui obtiendra le succès qu'on lui connaît. Une entourloupe qui n'est pas sans rappeler celle d'un autre génie de l'informatique, Bill Gates. En vérité, le père de Microsoft s'est révélé être un véritable stratège plus qu'un fripon voleur de concept. Au début des années 80, cinq ans après avoir fondé sa société, Bill Gates propose à la multinationale IBM de concevoir un système d'exploitation pour ses ordinateurs. Ce système, Microsoft ne va pas l'inventer mais le racheter à une PME (Digital Research) pour une poignée de dollars (50 000 tout de même) et le rebaptise MS-DOS. En contrepartie du système proposé, il demande une commission de 3 dollars sur les ventes de PC IBM et conserve par la même le copyright du programme qu'il peut revendre à d'autres fabricants. La suite ? L'ordinateur s'installe dans la vie des millions de personnes et Microsoft amasse les billets. Alors, les informaticiens qui ont fait fortune sont-il plus de brillants escamoteurs que de géniaux inventeurs ?
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Revenons-en au film. Derrière la caméra de ce The Social Network, le géant hollywoodien David Fincher (Se7en, Fight Club, L'étrange histoire de Benjamin Button) dépeint non sans brio le portrait romanesque du fondateur de Facebook. On sait le réalisateur esthète de l'image photographique, du cinéma visuel. Ici, il s'appuie majoritairement sur une psychologie de personnage saisissante où Mark Zuckerberg endosse le costume d'anti-self mad man à l'ascension tragiquement fulgurante. Insondable et solitaire, sans jamais frôler la caricature, le Mark de Fincher (incarné justement par Jesse Eisenberg) vît à travers les algorithmes pour assouvir une soif égocentrique de reconnaissance. Celle des sociétés privés, des filles (d'une en particulier) puis, enfin, du monde. En somme, un vase clos paradoxale que tous les membres de Facebook ont en commun. Dans cette quête, le nerd déploie en même temps que son idée volée, un jeu de pouvoir où argent, jalousie et trahison mettent en lumière son caractère dépouillé de toute empathie. Un jeu auquel vient se mêler Sean Parker (Justin Timberlake), autre parrain d'Internet (il est le cofondateur de Napster, première plate-forme de Peer to peer) et acteur majeur de l'explosion de Facebook, aussi bien sur la toile qu'en coulisse. Fresque sinistrement passionnante, The Social Network est un cliché de notre époque, d'une humanité qui n'existe plus qu'en cliquant sur « ajouter comme ami ».
En réaction, le vrai Zuckerberg a moyennement apprécié la fiction, déclarant qu'il n'avait pas créé Facebook « pour sortir avec des filles ». C'est pourquoi alors ?
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