La pièce ici adaptée traite de l’incapacité d’un adolescent à communiquer avec son entourage et à lui partager son mal-être, ses préoccupations, ses désirs et ses peines ; elle se construit en miroir d’une autre crise, parentale cette fois, qui paraît délaisser l’enfant au profit d’arrangements sentimentaux que ce dernier, parce qu’il n’y participe pas, subit tel un couteau dans le cœur. En cela, Le Fils prolonge l’étude d’une crise de la parole, dont l’espace légitime est le théâtre, et d’une faillite des mots à viser juste, deux enjeux essentiels à la tragédie et au drame. Le découpage en courtes scènes organisées de manière chronologique permettait d’écarter les artifices pour simplement suivre les louvoiements d’individus distincts qui ne savaient plus comment recouvrer une unité ; la montée en puissance de chacune fragilisait un peu plus une cellule qui jamais n’implosait, du fait de la disparition, à terme, de l’un de ses membres. Le mouvement est alors assuré par les entrées et sorties d’acteurs qui essaient de se lier par des câlins, des danses ou des discussions anodines qui évoluent toujours en choc.
Rien de tout cela ne gouverne le second long métrage de Florian Zeller, qui détruit la singularité de son œuvre théâtrale en lui octroyant une forme quelconque digne d’un mauvais téléfilm, une musique sirupeuse signée Hans Zimmer, une interprétation artificielle que dessert une mise en scène en sauts de puces incessants entre les différents partis. Il manque un prisme cinématographique par lequel rendre filmique une production théâtrale, comme l’était le huis clos habile de The Father (2020). The Son met en images la pièce comme un industriel met en boîtes des sardines. Le pire étant les incessants flashbacks baignés de soleil, sommet du ringard, cliché parmi les clichés, qui l’enferme dans une esthétique publicitaire. Nous sommes loin, très loin du geste de Xavier Dolan dans Mommy (2014), œuvre matricielle en ce qu’elle offrait déjà et analepses et prolepses fictives – pensons à cette séquence de rêve maternel sur fond de Ludovico Einaudi au cours de laquelle Diane projetait son enfant dans une vie idéale avant de revenir à la dure réalité.
Voilà donc un long métrage racoleur et incapable de traiter son sujet, aussi douloureux et important soit-il, par le cinéma. Il faut savoir laisser au théâtre ce qui ne revient qu’à lui.