Le plus difficile, ce n'est pas de réaliser son premier film, mais son deuxième. Difficulté bien renforcée quand le premier a été bien accueilli. Généralement, tout le monde vous attend au tournant, prêt à se jeter sur la plus petite goutte de sang, tels des requins. Ben oui, le succès rend les autres bien moins disposés à votre égard.
Il est donc compréhensible que pour jouer la sécurité, tout en s'implantant un peu plus en tant que cinéaste, Florian Zeller, adapte à nouveau une de ses propres pièces de théâtre (ce qu'il ne l'a pas empêché de se faire défoncer par la critique américaine sur ce coup !). Après The Father, *The Son *(j'aurais bien inséré une blaguounette sur les noms de liens familiaux, mais je n'aurais été que le milliardième à le faire !).
Ben, l'air de rien, c'est un peu le reflet inversé. Dans The Father, on suivait le point de vue d'un vieillard atteint de démence. Dans The Son, on reste extérieur à ce qui se passe dans la tête d'un jeune dépressif, ne le voyant, impuissant, comme ses proches (en particulier son père !), sans savoir ce qui lui traverse le crâne. C'est le reflet inversé, mais dans l'un des films, comme dans l'autre, on est pareillement perturbé parce que l'on ne sait pas quoi penser (ce qui est l'effet voulu !).
Bon, vais-je faire partie des requins ? Allez, disons que ouais... plutôt !
Pour employer un euphémisme, parler de la dépression est loin d'être évident. En outre, c'est un sujet trop grave pour que l'on puisse se permettre de se planter. Pourtant, jusqu'aux deux dernières scènes, Zeller ne se débrouille pas trop mal, en montrant que cette saloperie peut se bâtir ou se maintenir sur des choses irrationnelles, inexplicables, y compris pour la personne atteinte. Et c'est intéressant de voir l'impuissance du père qui se traduit par sa volonté de vouloir trouver une explication forcément rationnelle pour justifier ce que traverse sa progéniture.
Mais dans l'avant-dernière séquence, ben, grosse cata, Zeller tombe ironiquement dans le même piège que le personnage du paternel en insérant un discours conservateur sur la famille, en donnant comme raison, en ce qui concerne la santé mentale du fils, le divorce de ses parents (attention, je ne dis pas que ce n'est pas un déclencheur ou une base de cet état pathologique, mais les causes et les méandres de la dépression sont tellement complexes que ce type de sortie apparaît simpliste d'une manière dérangeante !).
Discours renforcé jusqu'à l'indécence dans la conclusion lors de laquelle le père en deuil croit revoir son fils et l'imagine en couple, écrivain et sentant la thune. Déjà, la situation d'un être, ayant perdu la chair de sa chair, est suffisamment bouleversante en elle-même pour que cette sorte de fantasmagorie ne semble pas autrement qu'inutile. Le voir dans la réalité, détruit, se faire consoler par sa jeune épouse aurait amplement suffi. Ensuite et surtout, vous croyez réellement que si une personne en deuil s'imaginait un être cher qui n'est plus, il songerait à ce genre de machins superficiels ? Oui, le mariage, la richesse et le succès forment indubitablement la recette magique du bonheur pour chacun, sans exception, évidemment. What else?
Quant à Hans Zimmer, il aurait pu accoucher d'un bien meilleur résultat à la BO qu'une musique tristounette lambda vous ordonnant avec lourdeur à quel moment vous vous devez d'avoir les yeux humides.
A part le jeune Zen McGrath, au jeu trop peu nuancé (d'accord, son comportement est censé être une énigme par rapport aux regards des autres, mais ce n'est pas une excuse pour être aussi constamment froid, sans transmettre physiquement la moindre émotion !), la distribution est solide en ce qui concerne Hugh Jackman, Laura Dern, Vanessa Kirby et, le temps d'une seule scène, the Father Anthony Hopkins, qui n'a pas besoin d'avoir plus que quelques minutes pour montrer qu'il est le big boss de l'acting.
C'est dommage tout ça, car en changeant d'acteur (ou en le dirigeant mieux !) dans le rôle-titre, en restant sur la même ligne sur la difficulté à saisir les pourquoi d'une dépression jusqu'au bout et avec un Hans Zimmer plus inspiré, comme il l'est tout à fait capable de l'être, ... ah oui, et d'être aussi un peu plus subtil niveau "fusil de Tchekhov" (ça rend trop prévisible un rebondissement, donc en amenuit l'impact !)... ouais, en changeant pas mal de choses, Florian Zeller aurait pu rendre ce deuxième film un minimum potable.