Il faut admettre que la mention "Corée du sud" ne laisse plus indifférent. C'est un cinéma rempli d'imprévus et de découvertes. Le spectateur qui habituellement influencé par le genre du film "Thriller", "Drame" ou bien "Comédie" sait (s'il est averti) ou du moins constate qu'avec les Coréens paradoxalement les frontières n'existent pas.
Dans notre cas, on démarre avec le classique film d'espionnage, mise en place du personnage et de sa mission, puis on assiste à sa métamorphose en affaire politique/diplomatique et en drame humain. Cette alternance des genres n'est pas tant remarquée du fait de la durée du film. En 2h30, le réalisateur a du temps, du temps pour assembler consciencieusement son sujet.
Pour ma part, je n'ai pas vu le film passer tant la mise en scène est fluide, l'image soignée et la tension au rendez-vous. Car c'est bien cela qui importe en matière d'espionnage, le suspense et la tension. Chaque plan peut signer la capture de l'espion qui plus est sa mort et donc celle du film. Le spectateur est actif, il est invité à participer à ses longs silences, ses longs regards et ses longs échanges. Filmer les acteurs en gros plan lors de dialogues sous tension, tous transpirants tel des façades fraichement peintes nous fait endurer l'épreuve des protagonistes. Tous vivent en pleine crainte, celle de se faire attraper. Attraper pour espionnage, pour insubordination, pour manipulation, pour collaboration ou pour trahison. Aucun n'est épargné.
Cela dit je trouve bien dommage l'utilisation de musique lors des scènes de tension qui restent trop indicatives. Le plan en aurait grandement gagné en tension sans accompagnement. De même, souvent le spectateur est contraint de revoir ce qu'il voit déjà. Je parle ici des gros plans sur des objets clefs du récit qui sont inutiles et poussifs au possible (ex : la montre et la pince à la fin).
Une autre force du film est son anti-manichéisme, la Corée du nord n'est pas dépeinte comme un régime totalitaire dirigé par des monstres mais comme un écosystème où chacun veille (surveille) son prochain où l'angoisse est devenue la norme. Ainsi la Corée du sud n'est pas exempte de tout reproche, corruption, manipulation et marchandage sont monnaie courante. Le métrage est subtil, il opère chez nous une inversion préférentielle. Les protagonistes du sud qui jusqu'ici semblaient fort sympathiques paraissent peu à peu détestables alors qu'il s'agit du contraire pour ceux du nord. Pour autant le film ne tranche pas entre les deux camps, sud ou nord, nord ou sud, chacun a ses torts.
En somme, un bon film d'espionnage riche en tension et en retournement à la manière de La Taupe, sobre et sans exagération ce qui diffère de la saga James Bond. Pour autant le film ne s'arrête pas là, et ose transmettre un puissant message en faveur de la réconciliation au travers de l'amitié de deux protagonistes que tout sépare si ce n'est leur langue et terre natale.