Si The square se contentait de reproduire la même mécanique laborieuse que le précédent film de son auteur, il resterait anecdotique. Mais il semble poursuivre de plus ambitieux desseins, volonté d'ailleurs récompensée par la Palme d'Or cannoise.
Ruben Östlund fait ici preuve de la même raideur de bon élève que pour Snow therapy. Non exempt de qualités, son travail formel très appliqué s'avère dépourvu d'inspiration : la mise en scène, plutôt élégante mais sans âme, se contente de conjuguer une grammaire convenue. Là où le bât blesse réellement se situe pourtant ailleurs : le film délivre un message. Avant de dévoiler lequel, pour peu qu'il vaille l'intérêt d'être identifié, le récit enfonce quantité de portes ouvertes sur l'art contemporain, la communication, l'indifférence face aux misères du monde, ressassements d'une élite se pensant lucide et clairvoyante quand les autres ne voient rien.
Assenant son petit pensum sans la moindre subtilité, alternant scènes lourdes de sens et respirations à volonté burlesque, The square étire son discours sur la longueur et flirte avec l'ennui avant de sombrer dans une dernière partie sensée secouer les consciences. La "fameuse" scène de la performance s'avère aussi gênante que grotesque et rappelle ces clips des années 80 dans lesquels de pseudo groupes de rock venaient foutre le bordel chez les bourgeois. Quant à la rencontre entre le personnage principal et le gamin représentant sa mauvaise conscience, elle échoue là où il pouvait enfin se passer quelque-chose.
Tout le film semble finalement à l'image de cet épisode malheureux : une succession d'occasions ratées. Pire, le final très moralisateur ne laisse finalement aucune liberté de jugement à un spectateur sommé de partager le vain message d'un film faussement subversif et profondément consensuel.
Parmi les bons points, il faut tout de même souligner la qualité du casting. Claes Bang, Elisabeth Moss et tous les autres apportent un peu de chair et de spontanéité à un long métrage qui en manque cruellement.