Il est malin le Ruben Östlund. Alors que l’art contemporain est un thème objectivement clivant, il prend suffisamment de distance avec son sujet pour satisfaire chacun des deux camps, un tel exploit méritait bien une Palme d’or. The Square nous introduit auprès de la poignée de collectionneurs, conservateurs et journalistes suédois qui “fait“ la côte d’une camarilla d’artistes reconnus. Peu importe le support ou le sujet, que ce soit des alignements de pavés ou des tas de graviers, tout repose dans l’intention de l’installation, la suggestion, la provocation, la transgression et, au final, le buzz. Néanmoins, la coterie prendra garde à ne défendre que le politiquement correct et la tolérance, la veuve et l’orphelin, le SDF et le réfugié.
Les vieux réacs se réjouiront de voir la vacuité artistique reconnue. Le musée est vide et les invités ne se pressent que les soirs de vernissage. Les bobos apprécieront l’élégance de Christian (Claes Bang), son intelligence et sa capacité d’adaptation. Le conservateur dépense avec aisance les dizaines de millions de couronnes de ses mécènes. J’en oublie le pitch du film : Christian est la victime d’artistes de rue qui le détroussent de ses papiers et de son téléphone. S’il s’autorise une bouffée de colère, il montrera courage, compassion et générosité.
Par une série de sketchs, plus ou moins liés entre eux, le scénario brode deux heures durant sur les conséquences du vol. La vie de Christian s’en trouve ébranlée. Une journaliste féministe, un gamin irascible, des communicants débridés, un artiste singe et un conseil d’administration veule se lieront contre lui. Il sauvera l’essentiel, son inaltérable bonne conscience.