Newfoundland : c’est un programme bien ironique que le nom de cette station de gare désaffectée dont hérite Finbar, homme de petite taille et de peu d’ambitions, si ce n’est de se retirer du monde.
Le portrait est attendu : l’esseulé, le différent, la victime d’un monde au mieux indifférent, au pire hostile, va, à la faveur d’un exil, trouver des âmes sœurs. Tom McCarty n’a pas pour ambition de révolutionner la formule, mais ménage suffisamment d’embardées pour viser juste. Car le protagoniste, qui ne demandait finalement rien d’autre qu’à minuter les passages des trains, se voit affubler à son corps défendant de deux comparses pour qui la solitude est bien moins épanouie.
Réunion de bras cassés et d’âmes esseulées, oscillant entre la comédie et le drame modeste, Le chef de gare doit beaucoup à ses comédiens : avant de trucider à tout va dans Games of Thrones, Peter Dinklage jouait très bien la carte du mutisme poliment misanthrope, tandis que Patricia Clarkson (une habituée des très bons seconds rôles, notamment dans Six Feet Under) et Bobby Cannavale achèvent un tableau doux amer parfaitement convaincant.
Le rôle dévolu à Finbar a ceci de malin qu’il se retrouve en point de convergence non consentant de toutes les destinées du trou perdu dans lequel il pensait pouvoir se dissoudre en toute impunité : c’est à lui qu’on confie les deuils comme une grossesse, c’est lui qu’on manque de renverser sur la route, on qu’on harcèle pour gratter une amitié.
Tout comme pour le tout aussi charmant St Vincent, c’est dans le détail que se logent les réussites : par la maladresse ou la complicité des personnages, par leurs blessures aussi banales qu’universelles, et les silences qui s’installent avec une gêne décroissante.
Parce que l’amitié peut se résoudre à cela : marcher le long d’une voir ferrée ou regarder passer des trains. Et dire à un comparse :
It’s boring. Don’t bother if I hang out for a while ?
(6.5/10)
Merci à Cultural Mind pour la trouvaille.