Qui sont-ils, que sont-ils vraiment, ces deux étrangers ? Que s’est-il passé cette nuit-là dans cette maison en flammes ? Que semble fuir Nick et Sam, deux frères embarqués dans un road trip au parcours mystérieux et à l’issue incertaine ? Le physique même de Sam, très androgyne, et sa voix comme éraillée prêtent aux suppositions : est-il une fille ou un garçon qu’il faudrait à tout prix éloigner, protéger d’un imperceptible danger ? Et puis quelle est sa vraie relation avec Nick, qui dit être son grand frère et cherche à l’emmener dans une cabane au milieu de la forêt ? Est-il au contraire son ravisseur, son bourreau, un ange-gardien ou un assassin peut-être, ou même autre chose ?


Le spectateur, à l’instar de Sam (James Freedson-Jackson, impressionnant), construit ainsi sa propre perception des évènements (ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, ce que l’on sait et ce que l’on suppose) et sa propre appréhension du temps, présent, à rebours, en boucle, remémoré. Christopher Radcliff et Lauren Wolkstein offrent bien quelques points de repère dévoilés au fur et à mesure que le film avance et se distille vers l’inconnu, mais c’est pour mieux nous perdre dans les méandres d’un suspens à accès multiples (film d’horreur, thriller psychologique, échappée sentimentale…) dont la révélation finale, comme dans Mysterious skin, déboule sans prévenir pour nous laisser tout chamboulé.


À la lisière du fantastique et du conte initiatique (renforcé par l’étrange musique à la flûte de Brian McOmber), The strange ones puise pourtant son inspiration dans une réalité on ne peut plus concrète (difficile toutefois d’en révéler la nature sans devoir trahir les secrets du film). Radcliff et Wolkstein, s’inspirant ici de leur court-métrage Deux inconnus, y créent la même ambiance chaude et lourde où tout paraît latent, menaçant, chargée d’une lumière d’été crépusculaire et hantée par la figure du trou noir (celui du blackout mémoriel, celui que dessine Sam ou celui de la grotte dans la forêt) qui renverrait autant à l’oubli et à la chute qu’à une situation difficile à laquelle il faut soudain faire face. Pour Sam, c’est la certitude terrible d’être désormais plus seul que jamais, sans rien d’autre que des souvenirs et ses démons en tête, et immobile là, en attente au bord de la route.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
8
Écrit par

Créée

le 25 juin 2018

Critique lue 842 fois

2 j'aime

mymp

Écrit par

Critique lue 842 fois

2

D'autres avis sur The Strange Ones

The Strange Ones
seb2046
6

Au fond de la grotte...

THE STRANGE ONES (13,6) (Lauren Wolkstein et Christopher Radcliff, USA, 2018, 81min) : Ce road trip intrigant narre le destin de Nick et Sam deux frères (simples campeurs ou fugitifs ?) dans...

le 11 juil. 2018

4 j'aime

The Strange Ones
HenriMesquidaJr
8

Critique de The Strange Ones par HENRI MESQUIDA

Les réalisateurs jouent beaucoup sur le mystère entourant ce voyage et sur l'ambiguïté. Il y a beau avoir beaucoup de mystères, ce n'est pas pour autant que les surprises sont nombreuses. Mais, ce...

le 7 janv. 2018

4 j'aime

The Strange Ones
Fleming
6

Qu'ont-ils d'étrange ?

Puisque le titre du film nous les annonce comme tels, forcément on s'interroge. Et comme les réalisateurs (Christopher Radcliff et Lauren Wolkstein) brouillent les pistes, on n'a pas facilement la...

le 14 juil. 2018

3 j'aime

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

182 j'aime

3

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

162 j'aime

25