L'acteur Thomas M.Wright signe son second long métrage avec tout le savoir-faire australien en matière de thriller, dont on aura déjà eu quelques pépites propres à nous balader par leurs chemins de traverse.
Un thème rebattu de traque en détournant comme souvent les codes habituels tout en se basant sur des faits réels vieux de 20 ans, prouve encore que si revisite il y a, l'art et la manière peut en renouveler le genre. En plongeant dans la psyché d'un policier infiltré, on y découvre en même temps un stratagème audacieux, où les ressources importantes mises en œuvre peuvent surprendre, tant elles relèvent en général du fantasme fictionnel.
Ambiance sourde et de faux-semblants pour un suspense au long cours, qui confère au métrage son rythme et sa tension d'autant plus efficace par l'absence de violence frontale. Le cinéaste joue du découpage pour une narration à la linéarité chamboulée, propre à marquer le chemin sinueux dans lequel va sombrer le policier. Si le titre peut paraître trompeur, il nous informe sur la dangerosité à côtoyer un meurtrier présumé au risque de se perdre par les liens qui vont se créer.
Henry rencontre Paul qui lui présente Mark qui l'introduit à John, chef mafieux d'une organisation criminelle opaque qui lui propose un boulot de livraison et où chaque membre rencontré ne nous permet pas d'en vérifier le rôle. Paul disparaît et Henry prend la main sous l'œil formateur de Mark. Pour appuyer notre perte de repères, on ne saura rien de l'homme qui nous invite en voix off à curieusement méditer, en décalage de ce qui y défile, pour finalement décliner son identité de policier, sans que l'on puisse voir son visage. Un sentiment conforté par une affiche qui souligne la flagrante ressemblance des deux hommes et on navigue à vue. Tout deux barbus et chevelus, l'un et l'autre réunit dans la noirceur d'un crime à élucider.
Un récit tout autant obscur que l'est une photographie pour le plus souvent nocturne, pour quelques vues d'ensemble de forêts dense et de montagne infranchissable, métaphore du long chemin à parcourir pour découvrir enfin la vérité. S'installe une narration presque contemplative, aux ellipses intrigantes et aux inserts cauchemardesques angoissants pour une réalité alternative. S'ajoute une bande son stressante par les divers bruitages de voitures que l'on ne voit pas, de sons stridents qui révèlent les écoutes sans en déterminer la provenance, qui brouillent les pistes et renforcent toujours plus ce sentiment de danger latent d'être découvert.
L'intrigue privilégie alors une relation ambiguë et mensongère en miroir de leurs échanges évasifs, entre le policier taiseux enfin dévoilé et son binôme vacillant -cet homme même qui ne veut rien avoir à faire avec la violence, interroge rapidement sur le bien-fondé de la machination mise en place -.
Si la première partie demandera un certain investissement, le croisement d'une seconde enquête policière à brosser le profil du tueur, les preuves oubliées et la lenteur des procédures offre un dynamisme et un contrepoint réaliste, mais il faudra un peu de patience pour savoir qui est qui, qui fait quoi et pourquoi.
Sean Harris trouve enfin un premier rôle à hauteur de son talent jouant de son physique inquiétant sans forcer le trait face à Joel Edgerton qui décline avec subtilité les multiples expressions à rendre un personnage torturé, et où la vérité n'exonère pas d'un passif traumatique.
Un film déroutant pour une belle réussite.