The Strangers
7.5
The Strangers

Film de Na Hong-Jin (2016)

The Chaser était une claque monumentale, comme j'en avais plus jamais pris depuis Seven. The Murderer m'a moins emballé, mais avait ses qualités. Alors quand au bout de six ans d'attente, Ha Hong-Jin sort enfin son nouveau film, il était inconcevable de passer à côté. Ce fût une séance déroutante, de par sa narration, son mélange des genres et sa sublime mise en scène.


Le réalisateur et scénariste Ha Hong-Jin tient son long-métrage d'une main de maître, en jouant avec nos nerfs. Il nous réveille dans la bonne humeur au sein de la demeure du policier Jong-Goo (Kwak Do-Won), entouré de sa femme, sa belle-mère et sa fille. Un meurtre vient d'être commis dans le village de Goksung (titre original du film). Mais avant de se rendre sur les lieux, on lui impose de se nourrir avant d'affronter la pluie battante. La scène de crime est sanglante. C'est le début d'une enquête où la raison va se perdre dans les chemins sinueux de l'épouvante.


The Strangers est une lente descente aux enfers. C'est le genre de film qui ne se raconte pas, mais se vit jusqu'à son plan final. L'oeuvre est déroutante, flirtant avec tout les genres avant de sombrer dans une noirceur éprouvante. Elle ne souffre d'aucun temps mort, alors que sa durée est de 2h36. On est envoûté par sa beauté visuelle, ses meurtres sanglants, la relation père-fille, son absurdité, sa tension, son enquête, son humour et sa folie.


L'horreur au cœur du réel. Ce qui est fascinant dans cette oeuvre sous l'influence de L'Exorciste, Rosemary's Baby et Seven, c'est sa capacité à nous faire croire aux événements en les ancrant dans le quotidien de ce village. Il faut dire que Na Hong-Jin prend son temps pour raconter son histoire, à la manière d'une série en nous familiarisant avec les personnages et surtout ce policier un peu maladroit et froussard, dont la relation avec sa fille est touchante. C'est aussi une façon de nous préparer à sa future possession, qui va se révéler une manipulation parmi tant d'autres. Pour mieux nous perdre, le réalisateur va jongler entre les cauchemars, la réalité et la rumeur. Le spectateur doit démêler le vrai du faux pour découvrir la vérité. Il se retrouve dans le même position que le père policier, superbement interprété par Kwak Do-Won. Tout est fait pour nous emmener au cœur des ténèbres, en nous plongeant dans ce village et cette forêt mystérieuse. On va passer par toutes les émotions, mais en restant en alerte avec le sentiment qu'à tout moment, cela va basculer dans l'horreur.


La recherche du responsable des meurtres et aussi une mise en opposition entre la médecine et la religion. Les champignons sont-ils responsables de la folie qui s'empare de ses hommes et femmes ? L'homme japonais, cet étranger vivant seul au sommet de la colline, est-il un fantôme ? La fille est-elle vraiment possédée ? Les cauchemars sont-ils réels ? Qui est cette jeune femme en blanc ? Faut-il croire les rumeurs où se fonder sur ce que l'on voit ? Le texte issu de la bible ouvrant le film sert d'indication où c'est une manipulation ? Qui va mordre à l'hameçon ? C'est une foule de questions parmi tant d'autres qui s'empare de notre esprit, en espérant avoir la réponse avant le clap de fin.


La beauté des lieux contraste avec la violence des faits. La pluie a une grande importance. Elle est omniprésente et souvent annonciatrice d'un drame. L'absorption excessive de nourriture est un signe de possession. La musique est aussi un élément déclencheur avec ses tambours s'intensifiant dès que le récit prend une nouvelle tournure. Elle est assourdissante quand le chaman fait son apparition sur la route menant au village. Un plan rappelant l'ouverture du Shining de Stanley Kubrick. Elle va à nouveau s'intensifier lors d'un époustouflant exorcisme devenant un duel intense. L'atmosphère en devient étouffante et ne va plus nous lâcher jusqu'à la révélation finale. C'est peut-être là que le film pêche un peu en tirant trop sur la corde. Son côté excessif est parfois salvateur, mais sur la fin, elle devient asphyxiante. Un bémol largement compensé par le plaisir que procure cette oeuvre originale.


A la fin, on reprend son souffle, on desserre les dents et la jointure de ses doigts. Une preuve de l'état émotionnel dans lequel le film nous plonge jusqu'à la dernière seconde. Même après la séance, on reste hanté par cette histoire en se demandant si on doit le revoir pour tout remettre en perspective. Mais avant cela, il est préférable de prendre du recul pour ne pas rester sous le charme vénéneux de Goksung.

easy2fly
9
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le 13 juil. 2016

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Laurent Doe

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