The Stranger's Case est une épopée tragique en plusieurs parties, suivant le parcours de différents personnages fuyant la guerre syrienne, et croisant leur destin de façon inattendue. C'est un Collision (Crash) de la détresse humaine, un film choral qui n'essaie jamais de faire dans la finesse (les personnages sont vite brossés, les situations dramatiques plus qu'appuyées par la mise en scène tire-larmes) mais dont le message passe d'autant plus. Une mère et sa fille qui voyagent dans un coffre de voiture, un soldat qui doute du bienfondé des ordres cruels qu'on lui donne, un passeur (Omar Sy, qui en fait des tonnes) qui n'hésite pas à envoyer à la mort des familles entières, un garde-côtes qui est hanté par les échecs de certains de ses sauvetages... The Stranger's Case pourrait être, comme on l'a souvent entendu, du "sensationnalisme misérabiliste" (argument de gens peu empathiques, qui n'y voient qu'un "film de gauche", et qui aiment les mots compliqués pour crâner), si seulement on ne savait pas que la réalité est bien pire, que le

sauvetage

paraît idéaliste face à toutes ces embarcations qui se retournent, et que la mise en scène se rappelle d'être légère par moments (on aurait pu nous faire un gros plan sur le

gamin qui passe par-dessus bord, mais la scène est finalement plus efficace en le gardant flou, en arrière-plan, dont on distingue seulement une silhouette qui se fait aspirer par les vagues derrière le père qui pleure de joie en pensant sauver son fils, ne voit pas ce qu'il vient de se passer juste dans son dos, et continue d'être heureux dans une scène d'espoir vain qui paraît durer une éternité pour nos petits cœurs...

La scène nous a fait effondrer). Dans tout ce marasme de détresse, on voit des mains se tendre, entre bourreau qui en a ras-la-casquette et victime qui pensait sa dernière heure arrivée, entre une femme inconnue qui cède son gilet de sauvetage à la petite fille (alors que personne ne sait nager, pas même elle), entre le capitaine de navire

qui s'acharne à réanimer un enfant noyé jusqu'à ce que le bras du père l'arrête

(le "Ce n'est pas de votre faute.", comme le "J'aurais pu en sauver plus." de la Liste de Schindler, nous a fait ressortir le mouchoir déjà détrempé). Au-delà du personnage caricatural (et caricaturé par Omar Sy) du passeur, au-delà de la mise en scène qui n'est pas très fine (sauf une scène), Stranger's Case s'adresse surtout à votre empathie, donne à voir des destins tragiques qu'on est tristes de savoir en-dessous d'une réalité ignoble, et si vous espériez échapper à l'émotion en vous répétant égoïstement que "Ce n'est pas de notre faute", le pauvre papa qui répète (presque) cette phrase ne vous laissera pas indifférent.

Aude_L
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le 19 sept. 2024

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