Dans un modeste appartement, deux hommes débattent sur la société et ses divers problèmes alors que l’un d'eux vient tout juste de faire une tentative de suicide.
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Tommy Lee Jones a parfois raccroché sa casquette d’acteur pour enfiler celle de réalisateur. Notamment à l’occasion de son troisième long métrage intitulé « The Sunset Limited », librement inspiré d’une pièce de théâtre de Cormac McCarthy. Si ce nom ne vous est pas inconnu c’est tout-à-fait normal puisqu’il s’agit de l’auteur du roman post-apocalyptique « la Route ».
L’histoire démarre avec une base simple, tout comme le choix de son cadre volontairement épuré. Deux hommes, l’un noir et l’autre blanc, ont une mentalité totalement différente sur tous les sujets possibles et ne tombent jamais d’accord. Alors ils s’enferment et commencent un débat philosophique dans le but de convaincre l’autre. L’œuvre nous cache quelques éléments pourtant primordiaux dans un film, comme c’est le cas de l’identité précise des deux uniques personnages du présent métrage. En vérité, on ne sait pas grand-chose sur Monsieur Black et Monsieur White. Le premier est un ancien criminel sauvé par la foi de Dieu, alors que le deuxième est un professeur nihiliste et suicidaire. Un flou volontaire qui ne sert qu’à l’obtention d’une concentration totale du spectateur envers le duel des idées et non sur les protagonistes.
Black versus White
Un des éléments qui fait clairement tout le charme de ce long débat du soir entre deux hommes si différents, c’est l’ambiance qui règne dans le huis clos. La mise en scène de Tommy Lee Jones est constituée d’un petit appartement qui témoigne du caractère anticonsumériste de son propriétaire. Monsieur Black ne possède en effet que le strict nécessaire sans que l’on puisse y découvrir la présence d’une inutilité quelconque. Pas de télévision, pas de radio, ni même de décoration, et encore moins de photos de famille. A la place, on y trouve une table, deux chaises, un canapé, et les éléments indispensables à la survie comme une modeste cuisine et une salle de bain toute aussi pauvre. Le lieu est obligatoirement propice aux débats et ne cède aucune forme de temps à aucune forme de distractions.
Les deux hommes se fixent, se jaugent, et s’interrogent, assis face à l’autre pour exprimer leurs arguments et démonter habilement ceux de l’adversaire. Parfois la manœuvre se fait avec respect et tolérance, parfois avec une férocité incroyable. On en vient à imaginer une partie d’échecs où les pièces blanches et noires s’affrontent avec des stratégies opposées. Chacun ouvre son jeu et avance ses pions, alors que l’humanité est décortiquée petit-à-petit autour des thèmes récurrents qui nous enflamment pourtant encore aujourd’hui et pour longtemps encore : la religion, la politique, l’amour, la raison de vivre, mais aussi la mort. Une chose est sûre, quand on commence le visionnage de « The Sunset Limited », il vaut mieux s’accrocher car le débat est rapide tandis que chaque mot a une importance.
Conclusion
Il est aisé de dresser une liste de tous les sujets qui enflamment depuis toujours la société : la vie, la mort, la religion, l’amour, …la politique. Cela dit, les débats actuels sont biaisés car les gens aiment se réfugier dans l’entre-soi idéologique afin de rejeter la confrontation des idées. Il apparaît en effet que des bulles communautaires se forment de plus en plus afin de débattre uniquement avec des adhérents du même monde, plutôt que de faire l’expérience de défendre ses idées face à d’autres diamétralement opposées.
C’est donc avec un grand intérêt que l’on suit ce match entre deux personnes dotées d’une philosophie aux antipodes de l’autre. Pas d’insultes, pas d’étiquettes honteuses, pas de censures. La valeur de l'argument prime sur l’exclusion des propos adverses et sur la déshumanisation de l’opposant, des méthodes bien trop répandus de nos jours. Et alors qu’une partie d’échecs philosophique se joue devant nos yeux, on est subjugué par le maniement des dialogues qui ne donnent jamais véritablement un vainqueur aux débats. A la manière de l’événement rarissime de deux joueurs d’échecs qui enchaînent les matchs ex æquo sans parvenir à vaincre l’autre.
L’ombre du couperet plane au-dessus de chaque joie