The Sweet East est une proposition audacieuse qui se situe entre le road movie comique et la fable désenchantée. C’est une exploration déroutante de l’Amérique par ses travers, dont chaque étape du voyage révèle des éléments plus glaçants et surprenants les uns que les autres.

On suit Lilian, jeune lycéenne, qui fugue de son voyage scolaire à Washington DC et part pour une aventure à travers la côte Est américaine, où chaque chapitre est une nouvelle ville et une nouvelle vie, animée par des protagonistes qui s’opposent en tout point. Du groupe d’anarchistes punks au professeur suprématiste blanc, en passant par des islamistes fans de musique techno ou un moine alcoolique, ce qui ne semble être que la crise d’une adolescente incomprise se transforme en un voyage initiatique à travers la désillusion du rêve américain. Tout le monde en prend pour son grade, peignant un portrait sombre de cette Amérique contemporaine, et le réalisateur s’en amuse, jouant avec les genres et les références. Techniquement, la caméra portée, la pellicule crasseuse et les zooms sur les visages s’adaptent brillamment à l’environnement dans lequel évoluent les personnages. On ressent un vrai plaisir de cinéma, une habilité à faire de jolis plans pour le plaisir de le faire, mais sans jamais délaisser les objectifs du récit. Chacune des étapes du périple de Lilian est illustrée par une esthétique différente, teintée par des jeux de lumière variés et une ambiance bien marquée. Le film mélange la douceur d’un cadre romantique et champêtre à des scènes sanglantes inattendues et décalées, tout en se mêlant aux codes d’un teen movie plus classique.

Comme Lilian, on s’égare aussi dans cette déchéance profonde de l'Amérique réelle. Le propos de Sean Price Williams est tout de suite évident mais ne paraît jamais lourd, ne gâchant en rien la qualité de son expression dans le film. On oscille, avec fantaisie, entre la dénonciation de tous ces prédateurs auxquels la protagoniste sera confrontée et un humanisme profond, qui cherche constamment à les comprendre malgré l’image déplorable qu’ils renvoient. Ces personnages sont des miroirs et, plutôt que de proposer de longues tirades, leurs actions dénoncent sans forcer le trait et toujours en touchant juste.

Le charme déstructuré de ce premier long-métrage est porteur d’espoir et rend impatient de voir les prochains projets de son metteur en scène. En attendant la suite, cette perle doit être placée haut dans le classement des films de cette année 2024, malgré son nombre bien trop peu élevé de copies distribuées en France.

Eme_099
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le 16 avr. 2024

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Eme_099

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