Bon, il faut que je sorte cela tout de suite... Ouah, ouah, ouah, ouah, ouah... Je ne connaissais pas Talia Ryder jusqu'ici, mais, maintenant, je crois que je suis amoureux. C'est un régal pour les yeux, la caméra l'aime, il n'y a pas que la caméra qui l'aime. Disons que si je n'ai pas pu détacher mon regard de tout le film, c'est en grande partie parce qu'elle incarne le personnage principal que l'on suit du début jusqu'à la fin. Elle a aussi le talent et le charisme pour porter l'ensemble sur ses épaules. Dorénavant, je surveillerai cette actrice de très près.
Là, à présent, je ne me laisse plus aller. Alors The Sweet East, c'est un portrait de l'Amérique contemporaine à travers les aventures picaresques d'une lycéenne fugueuse, nommée Lillian, qui se laisse entraîner par des événements incroyables (mais vraisemblables, pour ne pas dire inspirés de la réalité pour certains, dans le pays de l'Oncle Sam !), dans plusieurs états et différents cadres de la côte Est des États-Unis. J'ajoute, aussi, qu'au fur et à mesure que l'on avance, même si on reste constamment dans notre époque, par des costumes, par des coiffures, par des accessoires, par des décors, on a l'impression de descendre d'un cran dans le passé par épisode. Et sur ses toiles de fond, des caractères hauts-en-couleurs apparaissent.
Ainsi, notre protagoniste croise des antifas punks débiles, des cerveaux lavés par les théories du complot, des néo-nazis meurtriers, des wokes se prenant pour des génies avant-gardistes, des islamistes fans de musique électro, d'un abord un peu trop sympathique. Que des radicalisés dans leur croyance, qui pensent chacun détenir la Vérité. Personne n'est épargné. En bonus, on a même le droit à une fusillade complètement délirante, pour ne pas dire cartoonesque, au cours de laquelle presque tous les maux, passés et présents, des USA surgissent dans le grand des bordels. Et pour aller encore plus à l'encontre du politiquement correct, le personnage à se comporter de la façon la plus bienveillante et désintéressée à l'égard de notre jeune fille est un suprémaciste blanc pédant.
Le tout est filmé en 16 mm, donnant une esthétique granuleuse qui n'est pas sans rappeler le cinéma underground de la fin de la décennie 1960-début de la décennie 1970, mais soignée sur la technique, sur la maîtrise de la lumière (Sean Price Williams, dont c'est le premier long-métrage, est à la base un directeur de la photographie !). Et, outre le cinéma muet, il y a des références au Meilleur des mondes possible de Lindsay Anderson (dans la manière dont est mené le récit et le pourquoi de ce dernier !), à Lewis Carroll (un tunnel dissimulé derrière un miroir fait plonger, symboliquement, Lillian dans un autre monde, la série de rencontres insolites qu'elle fait !), à Edgar Allan Poe (souvent cité !).
Pour en revenir au sujet, notre héroïne des temps modernes, en quête d'émancipation, paraissant déjà misanthrope de base, a peu l'occasion de se faire la moindre illusion sur la société dans laquelle elle vit et, à l'occasion, n'hésite pas à s'en foutre, comme d'un tampon usagé, de la morale (ce qui lui évite totalement d'être lisse !).
Le constat du film est prévisible et sans appel, comme le dirait George Abitbol, "Monde de merde !". Ne reste que la grâce de Lillian/Talia... non, non, je ne me laisse plus aller...