The Terrorizers est un film de portraits. Edward Yang croise les portraits de quatre représentants de la société taiwanaise contemporaine : une squatteuse, un jeune photographe de bonne famille, une écrivaine en panne d'inspiration et son mari, laborantin en hôpital obsédé par sa carrière.
Mais pour être exact, il faudrait ajouter un autre personnage, la ville de Taipei, tant celle-ci est centrale dans la mise en scène de The Terrorizers. Seule montrée dès les premiers plans, elle n'est que juxtaposition de formes géométriques, dans laquelle les habitants ne connaissent pas leurs voisins et ne s'intéressent pas à ce qu'il se passe autour d'eux, à l'image de la première scène, dans laquelle un cadavre reste en plein milieu de plusieurs immeubles d'habitation, sans que personne ne s'en approche ou même, ne s'en rende compte. La grande ville asiatique, au "mieux" verticale et métallique, au pire sale et délabrée, sert de motif pour décrire la société taiwanaise et la froideur du boom économique.
Plus qu'un simple exposé de son urbanisme excluant, The Terrorizers va jusqu'au bout, dans sa forme et dans son fond, de la critique de l'individualisme de la société taiwanaise. De l'ambitieux en blouse blanche (motif de la froideur chirugicale), qui ignore depuis trop longtemps sa femme, à son ami qui lui dit avec mépris qu'il ne comprend toujours pas comment elle a pu tomber amoureuse de lui, tout transpire la désunion, l'arrivisme, l'abandon du commun en somme, au profit de l'individuel. Révolté, Edward Yang les filme avec une lumière crue, un montage haché, qui disent la laideur d'une ville, la laideur de l'individu généré par la société qu'il décrit et les ruptures qui la traversent. Mais il ne perd pour autant jamais de vue ses personnages, et vomit comme nous, la mort d'un homme écrasé par le modèle qu'on lui impose.