Dans Halloween, John Carpenter postait les enfants devant un écran qui diffusait La Chose d’un autre monde de 1951. Ce film a été l’un des chocs clé pour Carpenter en tant que jeune spectateur. Porté par le triomphe d’Halloween, le cinéaste se permet donc plus qu’un remake de ce modèle puisqu’il élabore une nouvelle adaptation de la nouvelle à son origine, La Bête d’un autre Monde de John Wood Campbell. Selon les connaisseurs, cette version est largement plus fidèle.
Monument d’effroi, The Thing présente beaucoup de points communs avec Alien : la Chose est elle aussi une vie inconnue et imprévisible venue d’ailleurs, les vestiges d’un vaisseau s’avèrent la passerelle de la créature, le groupe est isolé du monde extérieur. Comme dans Hellraiser, une narration économe se fait le support d’une merveille de construction.
The Thing fait partie des meilleurs films de monstre, genre hautement casse-gueule et sa créature conçue par Rob Bottin (Total Recall, Maniac, Seven) est une référence. Mais plus encore que les effets spéciaux très percutants malgré leur désuétude objective [avant le récent coup de fouet de la HD], c’est l’atmosphère de The Thing qui en fait un objet si remarquable. John Carpenter filme la base comme une prison et l’Antarctique comme le théâtre d’une apocalypse s’annonçant par indices. Outre la paranoïa contagieuse de l’équipe, la sensation dominante pour le spectateur c’est d’être au bord du cauchemar, en ne pouvant se retourner que pour voir en face sa concrétisation. Puis face à la chose et l’inéluctable catastrophe, c’est l’hystérie avant la résignation inquiète.
C’est une œuvre importante, mais mal-aimable. Souvent on le dit comme un éloge. Mais il faut voir tout ce que ça signifie. The Thing est donc, malgré toutes ses qualités et certaines scènes immenses, difficilement attachant. Il est terriblement sec, éprouvant aussi par sa sobriété et son sérieux absolus, sans le moindre gramme d’authentique humour (même Halloween peut davantage être drôle par à-côtés). Une lourdeur dans tous les sens du terme, qui contribue à la puissance du film comme au détachement qu’il peut inspirer.
Enfin sa lenteur concerne aussi les personnages, aux réactions et anticipations pauvres (scène des tests sanguins). Ils sont ‘extérieurement’ caractérisés pour une moitié et plusieurs se confondent. Puis il reste cet angle mort : les humains contaminés ignorent-ils leur état ou doivent-ils déjà bluffer, comme le feront [avec ultime habileté] les créatures ? Sont-ils tous immédiatement expulsés d’eux-mêmes, silencieusement colonisés ou graduellement aliénés ?
Dans l’ensemble de la carrière de Carpenter, cette Chose est à rapprocher de Prince des ténèbres. Avec celui-ci puis L’Antre de la Folie s’est profilé ce qu’on a qualifié plus tard de « trilogie de l’Apocalypse ».
https://zogarok.wordpress.com/2017/07/08/the-thing-1982/