Le terminus de l'horreur à l'italienne
Pour commencer cette critique, je dois le contextualiser : Il s'agit d'un film de Sergio Stivaletti, responsable de nombreux effets spéciaux pour des films d'horreur depuis les années 80. Ses principaux travaux ont été réalisés pour le grand Dario Argento, ainsi que pour les cinéastes produits par celui-ci : Lamberto Bava et Michele Soavi. C'est en bonne partie grâce à lui que j'adore ces films fin 80 début 90 : Phenomena, Démons, Terreur à l'opéra, Sanctuaire, La Setta, Dellamorte Dellamore, ... derniers feux d'artifice du cinéma de genre italien. Stivaletti s'est aussi modernisé, et est ainsi le premier truqueur du cinéma italien à avoir utilisé des images de synthèse dans son pays.
En 1996, il se retrouva malgré lui réalisateur lorsque Lucio Fulci décéda et dut gérer tout le tournage de Masque de cire, avec Robert Hossein et Romina Mondello. Malheureusement ce film, qui aurait dû marquer la réconciliation et un premier projet commun entre Fulci et Argento (producteur), échoua dans sa folle ambition de relancer la mode du film d'horreur transalpin. Stivaletti a pourtant voulu récidiver avec ce projet ci 8 ans plus tard.
La première chose qui frappe dans ce film, c'est sa dualité.
D'un côté Stivaletti semble vouloir se placer dans la continuité du fondateur du genre, Mario Bava. Un titre très ressemblant ("les trois visages de la terreur" / "les trois visages de la peur") et la présence de John Philip Law (acteur principal de Danger : Diabolik!) laisse espérer une certaine ressemblance.
De l'autre la présence de Law justement, le fait qu'une histoire se passe dans une clinique douteuse (ou jouait également ce cher John Philip) et le choix d'un train comme point de départ m'ont fait rappeler une étrange expérience sensorielle appelée Night Train to Terror.
Je me demande comment Law a pu accepter ce film s'il avait remarqué les correspondances avec ce nanar. Peut-être que Stivaletti lui a expliqué que ce succès gommerait N3T? Peut-être qu'il a dû lui doubler son chèque et que cela a impacté le budget? Mystère...
En tout cas cette dualité se retrouve tout au long du film, le faisant osciller en permanence entre le bon divertissement (qu'on surnote un peu car on espère qu'il va créer un renouveau) et le gros nanar trop cheap.
En effet ce film est très pauvre : une seule scène avec des figurants, 4 personnages dans la scène d'ouverture puis sinon pas plus de 3 personnes en même temps, de nombreuses promenades dans la campagne italienne ou se concentrent les scènes de dialogues, une caméra DV, des effets numériques très pauvres, un monstre qui ne fait pas illusion une seule seconde, ...
Niveau casting, il y a peu de stars : avec John Philip Law qui a à peine plus de 5 minutes à l'écran on retrouve 3 acteurs Italiens solides mais qui ne sont pas des vedettes, plutôt des seconds couteaux. Sinon Stivaletti a fait appel au système D : plusieurs acteurs (et surtout actrices) n'ont que ce rôle sur leur fiche imdb, il a engagé son propre fils et 2 de ses copains : Claudio Simonetti et Lamberto Bava pour une "participation amicale".
Il y a une petite scène référentielle avec un tournage de film appelé "Démons 7" ou Bava et Stivaletti jouent leur propre rôle. Mais vu le contexte de la scène (prise ratée à cause des effets spéciaux) je ne l'ai pas vue comme une blague référentielle mais plutôt comme un aveu d'impuissance de ces hommes à refaire des grands films.
Je dois également reconnaître que le scénario n'est pas génial, malgré l'idée de mettre à la fin les chutes des différents sketchs. Le pitch de début serait bon s'il n'apportait pas à la fin plus de questions que de réponses. Et le budget se ressent tout au long des différents sketchs : les scènes de présentation et de dialogues sont étirées pour retarder au maximum les scènes d'horreur. En livrant le pitch de chaque histoire, on arrive ainsi à spoiler 90% du film. Et puis bon un loup-garou qui s'attaquer aux gens la nuit, une clinique tenue par un chirurgien au sourire trop éclatant pour être honnête et un serpent géant qui garde un lac isolé, ce ne sont pas vraiment des idées novatrices.
Dernier écueil, Stivaletti est un bon responsable des effets spéciaux mais le budget montre ses limites (ou alors c'est le fait de gérer tous les autres aspects du tournage qui l'a empêché de faire du bon boulot). La chute de la première histoire et toutes les scènes du monstre de la troisième sont gâchées par des effets spéciaux calamiteux, justifiant ainsi la mauvaise réputation du film tout entier.
Parmi les bons points je dois reconnaître que Stivaletti est un vrai réalisateur qui ne se contente pas de filmer platement chaque scène. Il a osé garnir sa réalisation d'angles de caméra audacieux et intéressants qui ne transforment pas chaque moment de dialogue en purge. Le premier sketch est bon jusqu'à sa chute improbable, le second réussit à instaurer une vraie terreur, le troisième est malheureusement loupé. Le casting est correct.
La musique d'Abeni est sympathique malgré quelques thèmes qui desservent le film.
Bilan :
- Histoire du train : 5/10
- Histoire du loup-garou : 6/10
- Histoire de la clinique : 7/10
- Histoire du serpent : 2/10