CECI N'EST PAS UNE CRITIQUE MAIS UNE IMPRESSION D'APRES VISIONNAGE.
Beauté à couper le souffle. Entrelacements de plans qui paraissent n'avoir rien en commun si ce n'est ce subtil lien, celui qu'on ne perçoit pas mais celui qu'on ressent. Le va et vient du ressac se mêle au cri des enfants et se fond dans ces lents travellings qui font perdurer la grâce au delà des scènes. Des tableaux fantastiques où onirisme et réalité se chevauchent dans d'étranges étreintes faites de clair-obscur. Tectonique des plaques, glissement d'une vie de famille aux confins de l'univers, le temps d'un battement de cils. Le temps d'une première inspiration jusqu'au dernier souffle. Malick réinvente la relativité temporelle, pousse l'ellipse à son paroxisme, crée un nouveau système narratif, ses caméras surnaturelles paraissent relever d'une mathématique céleste. Leur mouvements parlent d'eux-mêmes, leurs angles sont les plus beaux dialogues que je n'ai jamais vu.
Les regards, les inclinaisons, les contre plongées, les mains, les pieds, les méandres de l'âme humaine peints à l'oeil d'un homme. Les mots sont précieux, dispensés au compte goutte, ils n'en sont que plus brillants, plus remarqués et peut-être plus remarquables.
Les moments suspendus, les peines les plus terribles, sont à peine esquissés.
Et pourtant ces quelques traits sont bien plus puissants que n'importe quelles séquences à rallonge. A quoi bon faire défiler la pellicule quand 3 plans de scènes différentes s'enchaînent en quelques secondes et nous en racontent plus qu'une séquence de 3 minutes signées des meilleurs dialoguistes.
Beauté, justesse, montage sonore, musique et j'en passe, tant de qualités...
Et pourtant, ne cesse de résonner au creux de mes oreilles les paroles de celles qui m'accompagna dans ce voyage "Ca aurait pu être un si beau film".
Tout ce qui précède je l'espère donnera à certains d'entre vous l'envie de vous forger votre propre opinion. Je dis bien certains d'entre vous car ce bijou n'est pas à mettre dans n'importe quelle main.
Il nécessite une appréhension nourrie d'un cheminement. On ne vient pas à ce genre de film par hasard (ou alors si, mais vraiment !). On passe par plusieurs stades de films esthétiques et contemplatifs. Je comprends très bien ceux qui disent que ce film est élitiste et prétentieux car au fond il est élitiste ou du moins il s'adresse à des initiés du genre selon moi.
Etant moi-même client, il me manque tout de même un propos. Car on dirait que le scénario (il faudrait un autre mot car ici, il semble inadéquat) est plus au service de la mise en scène que l'inverse. S'il est vrai que Terrence Malick élève le procédé narratif vers de nouveaux sommets, il reste juste dans tous ces plans néanmoins s'affranchit d'un réel propos, d'une réelle trame, peut-être par facilité ou pour ne pas nuire à sa temporalité distendue qui souffrirait d'un récit qui part d'un point A à un point B.
Je comprends très bien cette nécessité mais en même temps je regrette qu'il ne puisse aller au delà et nous proposer une histoire qui ne soit pas une succession de tableaux aussi réussis soient-ils.
Puis il faut avouer que les séquences natures grandiloquentes aussi belles soient-elles ont parfois tendance à s'éterniser. Les voix off murmurées tout au long du métrage tendent parfois à la caricature.
J'ai certainement l'air de faire la fine bouche et pourtant ce sont ces quelques (détails pour vous peut-être) écueils qui m'ont fait décrocher deux ou trois fois.
Ceci dit, je recommande ce film qui est un chef d'oeuvre au moins dans sa forme narrative sans reparler de cette justesse dans le montage et la mise en scène.
Une autre brique dans le mur Cinéma.
Edit 1 : J'ai changé mon 7/10 en 8/10 car un jour après je ressens toujours les vibrations de The Tree of Life. Et la prouesse de Malick continue de m'émouvoir malgré mes quelques réserves
Edit 2 : Je ne peux décemment pas le laisser à 8/10. Quelques mois plus tard, j'ai mûri mon avis et donc ma cote : 9/10.