"- Bah moi j'ai pas tout compris...
- Ouais, mais t'as pas vu le tout début.
- Oui, mais c'est quand même un peu fait pour que tu comprennes pas.
- Normal, c'est complexe. Ça te plaît le complexe, d'hab !
- Complexe, complexe, c'est un bien grand mot. Non, c'est foutraque et simplet.
- Au-début t'avais bien aimé les mélanges entre Sean Penn dans son immeuble et Sean Penn à la plage.
- Jusque ce qu'à que je comprenne à la fin que c'était en fait "Deuil-land".
D'ailleurs, qu'est-ce que c'est que cette connerie, là? "Deuil-land"? Enfin, Deuilville-Plage plutôt. "Venez faire votre deuil à... Deuilville-Plage ! Avec sa plage de sable fin et sa mer fraîche, vous pourrez y faire votre deuil en toute tranquillité et laisser partir vos proches. Deuiville-Plage ! Dans la tête de Sean Penn !" C'est complétement con.
- Ouais, mais fallait quand même y penser.
- Et puis bon, nous fait un peu chier la mère avec ses lamentations sur la religion. C'est quand même ultra-chrétio-chrétien comme film.
- Mais le Big-Bang, mec ! Le Big-Bang ! Elle a une putain de classe, cette séquence ! Avoue-le.
- Oui, c'est vrai. Enfin, jusqu'à ce commencement de la vie tout moche (et too much).
- Ouais, mais faut en avoir dans le pantalon pour résumer toute l'histoire de l'Univers en un film.
- Justement, ça a aucun rapport avec le film. Et puis, on passe de l'extrêmement long (la naissance de l'Univers) à l'extrêmement court. Et vers la fin, y a plus trop de plans oniriques sympatoche mais inutiles, ça devient plat.
- C'est parce que le film ralentit, c'est normal. Pour se focaliser sur l'enfance même de Sean Penn. Et la diminution des plans "oniriques", ça montre la perte des illusions du gamin, face à la réalité.
- Mouais mouais mouais...
- D'ailleurs, au-delà des plans oniriques, t'as tous ses plans qu'on peut aussi considérer comme étant "inutiles", de gamins agitants leurs doigts dans l'air, et autres conneries du genre. Mais c'est ça l'enfance ! Enfin, la façon dont elle imprègne notre mémoire, ses souvenirs flous, ses instants inutiles, ses gestuelles sans but, sinon elles-même. C'est exactement ça. De la futilité légère et gracieuse. C'est comme les plans à la caméra porté à l'épaule, qui s'agite et se promène dans un monde rendu "frais" par la photo. Ça évoque super bien l'enfance, l'impression qu'elle laisse dans les souvenirs, et les souvenirs en général.
- C'est subjectif, mais bon, j'accepte cet argument. Cependant, très cher, je vous ferais remarquer que le film étant basé sur les souvenirs de Sean Penn, il est logique que le narrateur soit Sean. Bah il est balaise Sean pour se souvenir de chose qu'il n'a jamais vécu, comme son père au boulot.
- C'est peut-être ce que lui imaginait gamin.
- Ohpopopop ! On me l'a fait pas à moi. C'est surtout que ça assume pas ses partis pris. Et moi j'aime pas ça.
- Certes certes... Mais faut avouer que c'est globalement bien réalisé. C'est pas le premier mec venu qui pourrait faire pareil.
- Ben... Si ça consiste à porter sa caméra à l'épaule avec une bonne photo, si, le premier venu pourrait le faire, pourrait évoquer les souvenirs enfantins, en foutant des plans hors-sujet toutes les deux minutes.
- Oui, mais faudrait déjà qu'il y pense. T'aimes d'habitude quand c'est expérimental. Et là, c'est expérimental.
- Oui, mais c'est trop simple.
- Avoue que quand t'y repense c'était pas mal.
- Ouais mais j'avais pas vu d'excellent films depuis... Au moins trois mois. Et pas de bons depuis deux semaines. Donc je me suis reporté sur ce que j'avais sous la main, évidemment.
- Ça me paraît un peu faiblard comme argument.
- Ouais, bah moi c'est la portée du film qui me paraît un peu faiblarde."
Voilà, cet espèce de dialogue schizo montre bien comme ce film me laisse mitigé, sans trop savoir quoi penser. Théoriquement, je devrais lui mettre un cinq, mais rien que le fait que le film puisse déclencher un tel débat en moi mérite deux points en plus.