Partition hypnotique

Sous un prétexte racoleur, comme il est de bon ton chez Corman, The Trip est une symphonie esthétique inspirée des expériences psychotropiques du hippie moyen des années 70. En y regardant de près, j'ai rarement vu un film comportant presque exclusivement des séquences de pur délire, remplies de passages télescopiques et d'images subliminales.

Durant le film, j'attendais patiemment la mise en place d'une intrigue, jusqu'au dernier tiers, où j'ai compris que l'intrigue était d'une certaine manière déjà là. Et sa nature : d'ordre épistémologique. L'esprit de Peter Fonda va-t-il accéder à une nouvelle perception qui changera à jamais sa vie ? Que va-t-il découvrir sur lui-même et sur le monde dans cette expérience qui interfère avec la réalité et qui échappe à sa compréhension, avec l'attente fatidique de savoir quelle en sera l'issue ? Notamment dans la deuxième partie, où il croit avoir tué son accompagnateur, Bruce Dern, et s'enfuit dans les rues californiennes.

Corman, qui nous a habitués à de la série B old school, devient ici précurseur de l'introduction du modernisme dans le cinéma américain de l'époque, où le classicisme qui le caractérise s'effondre devant une pure partition hypnotique. À l'instar du moment expérimental du Persona (1966) de Bergman, il rappelle qu'il n'y a pas d'art sans prise de risque !