Truman vit dans une bourgade proprette, avec une femme toute lisse et un travail plan-plan. Ce qu'il ignore, c'est que tout ceci est bidon. Truman est en réalité la plus grande star de la télévision de tous les temps, dont le quotidien filmé en continu et en cachette passionne le monde entier !
« The Truman Show » est peut-être sorti lors d’un véritable alignement des planètes. D’un côté, il fait partie des quelques films ayant anticipé l’explosion imminente de la télé-réalité au tout début des années 2000 (on peut aussi citer le grassouillet et nettement moins réussi « EdTV »). De l’autre, il s’inscrit dans une série de films jouant sur l’allégorie de la caverne de Platon, à savoir un héros emprisonné dans un monde d’illusions, qui va cherche à découvrir la vérité (« Dark City », « The Game » et « The Matrix » sortiront à la même période). Enfin, c’est aussi l’époque où Jim Carrey cherchait à interpréter des personnages plus dramatiques.
Le résultat est un petit bijou d’inventivité, qui fait encore sacrément froid dans le dos. Car plus de 25 ans après sa sortie, « The Truman Show » n’a pas pris beaucoup de rides. Si on veut pinailler, on dira qu’aujourd’hui la reconnaissance faciale et les intrigues générées par algorithmes seraient intégrés à un tel récit.
Le postulat monstrueux permet de traiter très intelligemment diverses thématiques, abondamment discutées depuis la sortie du film. Psychologie avec la façon de monter et démonter un individu pour le contrôler. Religion, avec le rôle quasi divin du créateur du show. Son nom -Christof- faisant même référence au Diable pour certains ! Et évidemment, toutes les dérives à venir de la téléréalité. Emotions jouées et trafiquées, prétexte de montrer la réalité quand l’environnement est contrôlé, placements produits écrasants, les acteurs ont leurs répliques soufflées, et la mise en scène est orientée.
Tellement discutées d’ailleurs, que le film a donné son nom à une maladie, où le patient est persuadé d’être lui-même le centre due gigantesque émission de télé-réalité !
Au-delà de ce scénario fin signé Andrew Niccol, la réalisation s’avère élégante. Peter Weir alterne entre des plans « classiques » et d’autre filmés façon caméra embusquée, en grand angle et emplacement espion. Il s’appuie sur une jolie BO, composée par plusieurs artistes, dont le pianiste Philip Glass. Et il bénéficie de solides comédiens.
Ed Harris livre une composition très intéressante en créateur du show et maître de la vie de Truman. Loin de la caricature du producteur de TV véreux, ou du dictateur excité, l’homme est un antagoniste très humain et très posé. Convaincu des bienfaits de ses actions (pour le monde et pour son « sujet »), et démontrant un amour quasi paternel.
Et évidemment, Jim Carrey. Qui joue de ses prestations passées de clown et de vedette pour incarner cette homme ordinaire, enfermé dans un monde irréel qui l’étouffe peu à peu, et superstar malgré lui. L’acteur livre peut-être là l’un de ses meilleurs rôles, faisant preuve d’un spectre d’émotion élargi.
Tout ceci fait de « The Truman Show » une œuvre qui reste intemporelle et surtout terriblement pertinente.