Magnifique fresque pastorale sur le besoin de rédemption de l'humanité. Je ne m'attendais pas à grand chose en lançant ce film, ne sachant quoi regarder, ne sachant que faire,
perdu dans mon interminable confinement, étriqué par la relation tumultueuse que j'entretiens avec mes parents. Et pourtant, malgré un synopsis qui a l'air somme toute de délivrer très peu d'intérêt pour le cinéphile, car vu et revu un milliards de fois....
Il y a Tout dans ce film. Oui, Tout. Tout ce que devrait transmettre un film digne de ce nom.
D'abord, critique subtile de l'église en tant qu'institution dominante et fasciste, mais aussi dans son incapacité à reconnaître et à accepter le divin de l'homme dès lors qu'il apparaît dans des formes autres que ceux déjà reconnus par les écrits sacrés. C'est l'homme qui reprend en main son destin dont il est question, dans une vision nietzschéenne du surhomme, du dépassement de l’être par l’être, mais toutefois sans tomber dans le nihilisme moribond et sectaire d'un 2001 l’Odyssée de l'Espace. Le dinosaure n'est ici qu'une image âpre de l'esprit des temps anciens, l'homme archaïque qui domine son monde, au lieu d'en être la victime. L'Homme qui renoue avec son inconscient primitif ET collectif, pour mieux supporter le poids de son monde austère. L'Homme sublimé. Fine analyse Jungienne que nous propose cette oeuvre.
On y trouve des scènes de terreur brute, j'espère que vous avez le cœur bien accroché. Je n'ai jamais ressenti, de ma vie, un effroi si total. Heureusement, l'oeuvre ne se perd guère dans le gore bas du front, comme le ferait un The Thing, contrebalancé par des scènes de pur Amour, avec un grand A. Des scènes aux accents Bergmanien mais délaissant ici la grossièreté du discours propre aux films du réalisateur suédois. On entre ici dans un jeu subtil de désirs, de conquête de l'autre et surtout, de découverte de soi même. Alimenté par un jeux de lumières vives jamais vu auparavant, le couple s'octroie la chaleur du corps pour apaiser les souffrances d'un trop grand pouvoir que les autres ne peuvent comprendre. Dans son intimité, le corps répare les blessures profondes de l'esprit grâce à un montage effréné, presque psychédélique, osons le terme, d'une beauté sans pareil. Aronofsky n'est ici jamais très loin, bien que The Velocipastor le surpasse largement en arrivant à ne pas imposer de lourdeur dans son traitement du rythme. C'est un juste équilibre, entre scènes contemplatives tarkovskiennes d'une extrême justesse, et scènes d'actions incroyablement bien menées.
D'ailleurs, quid des scènes d'actions ? Jamais vous n'allez vous ennuyer. L'action est spectaculaire, grandiose, chorégraphiée comme dans les meilleurs films de sabres japonais. On pourrait s'attendre à ce qu'elles dénotent trop par rapport à l'ambiance générale du film. Ce n'est pas le cas. Incroyablement bien amenées, elles participent au contraire à l'évolution spirituelle du personnage principal, sa quête initiatique, et à la tension dramatique qui va, de bout en bout, monter puis monter puis monter jusqu'à... Exploser littéralement au visage du spectateur dans un flot d'émotions inconnus jusqu'alors.
Quelle splendide scène lorsque, Carol, touchée par le sabre de cet affreux ninja, et que, alors qu'elle succombe à ses blessures, la voilà qui déclare un monologue d'une grande philosophie morale sur la place des concepts du bien et du mal au sein des civilisations humaines ! "Par delà le bien et le mal" en quelques phrases, en quelques mots parfaitement choisis ! Incroyable de maîtrise, de subtilité. Puis, preuve de la tragique évidence qui est en train de se dérouler, même les ninjas, sorte d'archétype de l'Ombre chez Jung, en viennent à pleurer devant la déprimante tristesse de la scène. Quelle infinie sagesse le film nous propose alors, messieurs.
Là, à cet instant, le spectateur découvre, ébahit, derrière ses airs de film peut être trop intellectuel ou prétentieux pour certain dans sa première moitié, là, il découvre une oeuvre profondément humaniste et intimiste, qui touche et qui parle de tous, à tous. Magnifique.
Ce qui m'étonne le plus, c'est l'immense capacité du film à parler de pleins de sujets totalement différents, mais pourtant reliés dans une cohérence à toute épreuve. Par exemple, arrive un moment une étonnante séquence sur le ravage de la guerre, l'horreur brute et la folie des hommes durant les conflits armés. D'ailleurs, le film réalise ni plus ni moins ce qu'Apocalypse Now a tenté de faire. Cette séquence aide à mieux appréhender la profondeur psychologique du père Stewart, personnage déterminant pour le film, qui va ensuite permettre à l'histoire de ne pas sombrer dans une vision manichéenne et simpliste, vision que l'on voit malheureusement trop souvent au 7ème art.
Je ne vous parlerais pas non plus de tous les autres sujets que l'oeuvre aborde. Le deuil, la jalousie dans les fratries, le proxénétisme et sa place dans la société... J'ai d'autres choses à faire comme me demander pourquoi j'emploie autant de temps à rédiger une critique sur un film pareil.
Cela étant dit, je dois vous avouer quelque chose. A la fin du film, j'ai senti quelque chose couler sur ma joue. C'était une larme. Jamais une oeuvre ne m'avait autant bousculé. Il y a tout dans ce film. Toute la vie, dans sa foisonnante richesse. J'ai pris mon téléphone, j'ai appelé mes parents. J'ai renoué contact avec mes pairs, avec MON monde. Et on s'est pardonné. Tous ensemble. Main dans la main. Ce film m'a sauvé.
Fer de lance du renouveau du cinéma d'auteur mondial, The Velocipastor est incontestablement le film le plus important de cette décennie.