Quand il était petit, Behind, il n'aimait pas trop rendre visite à son papi et à sa mamie. Parce que papi, il sentait du bec et il était sévère avec son petit fils, du genre à lui interdire de toucher à la tronçonneuse. Mamie, elle, piquait quand Behind était obligé de l'embrasser. Et ses rides qui tombaient toutes vers le sol lui donnaient un air réprobateur et peu amène. Au point, quand on lui demandait s'il voulait rester coucher chez papi et mamie, qu'immanquablement, le petit Behind secouait la tête en hurlant "non !" dans une moue de dégoût.
S'il avait vu The Visit quand il était petit, Behind aurait vu sa position confortée. Car à coup sûr, il y aurait reconnu son papi et sa mamie, faisant du film sa plus grosse flipette de sa jeune vie de cinéphile. Malheureusement, Behind a vu le film cet après-midi. Et s'il n'a pas passé un mauvais moment devant, The Visit ne marque pourtant pas le retour en grâce de l'ex enfant chéri du film à twist.
Car Manoj Night Shyamalan, s'il retrouve une partie de ses moyens, déroute grandement et déjoue les attentes. Enfin, mes attentes. Parce qu'avec The Visit, il multiplie les ruptures de tons, instillant de la tension, en posant la question de la véritable nature des grands parents, pour la désamorcer presque aussitôt dans un éclat de rire ou un cadrage sur quelque chose de saugrenu, décalé, voire glauque. Shyamalan répète le processus tout au long des deux premiers actes, alors qu'il réussit pourtant à garder cette tension, cette peur que ressentent ces deux enfants en visite chez des membres d'une famille brisée avec qui ils veulent renouer.
Et au delà de l'aspect évident de film de frousse en found footage, le réalisateur indien livre en creux le portrait d'une famille brisée, rongée par l'abandon et les occasions manquées de se pardonner. Ainsi, le portrait de cette mère en points de suspension touche, tout comme celui des deux enfants qui, au détour d'une mise au point de la caméra, lors d'une interview, tombent le masque et révèlent leurs fêlures affectives, le sentiment d'abandon qu'ils éprouvent.
Ce mélange d'ambiance rassure en ce qu'il est la preuve que Shyamalan, après des commandes assez impersonnelles, sans pour autant être honteuses, est encore capable d'adopter un vrai point de vue, d'expérimenter, et de revenir aux sources. Dommage seulement qu'il le fasse sans parvenir à équilibrer son The Visit, aux ruptures de tonalité beaucoup trop fréquentes, ultra marquées et voyantes pour totalement convaincre. D'autant plus que le troisième acte, twist digéré, efface totalement l'humour du tableau pour pousser jusqu'au bout le curseur sur le tout horrifique qui, s'il est efficace, casse cependant le rythme de son récit en l'emballant soudainement, tout en le fragilisant avec certaines réactions des personnages qu'il met en scène assez incohérentes.
The Visit n'est donc pas la renaissance que j'attendais, ou encore celle que certains ont voulu voir. Simplement un film sympathique et sans esbroufe, qui témoigne de manière efficace que les moyens de Manoj Night Shyamalan sont toujours là, ce qui aura au moins le mérite de faire taire pour un instant ses détracteurs les plus féroces.
Behind_the_Mask, qui n'a jamais cru à la gentillesse du troisième âge.