Pour son premier long-métrage, Pedro Martín Calero dispose d'un atout non négligeable, pour ne pas dire majeur : la présence au scénario d'Isabel Peña, collaboratrice privilégiée du surdoué Rodrigo Sorogoyen, ayant écrit la quasi-totalité de ses films. On retrouve indubitablement la patte de cette dernière à travers ce récit ouvertement cryptique et psychologique, qui parvient à travailler sur la durée un malaise à la fois perceptible et insaisissable, tout en déstabilisant régulièrement le spectateur à travers ses changements de temporalité et sa manière de bifurquer dans des directions inattendues.


Force est de constater, cependant, que Calero n'a pas le talent de mise en scène de Sorogoyen, en dépit d'une image très soignée, et échoue plus d'une fois à raccorder de manière fluide les wagons d'une intrigue à tiroirs. Ainsi, la fascinante partie centrale, à mi-chemin entre Lynch et Hitchcock, semble surgir de nulle part (au point où l'on se demande si on est toujours en train de regarder le même film) et occasionne un sérieux coup de mou au rythme global. Une baisse de régime d'autant plus dommageable qu'elle fait suite à un premier acte très maîtrisé, mené par la toujours ravissante Ester Expósito, qui confirme une fois de plus la versatilité de son talent. C'est d'ailleurs l'ensemble du trio d'actrices qui est au diapason, et qui permet de contrebalancer des scories somme toute imputables au manque d'expérience (provisoire, on l'espère) du jeune réalisateur.


Si The Wailing est encombré par de nombreux défauts, il nous rappelle néanmoins lors de plusieurs scènes le talent indéniable du cinéma ibérique dans sa capacité à nous faire ressentir une peur primaire sans se sentir obligé de céder à la mode usante des jumpscares à outrance. On saluera également, à une époque où les films se sentent obligés de tout nous expliquer en long, en large et en travers, la volonté du réalisateur et de la scénariste de laisser dans le flou bon nombre d'éléments de cette histoire que l'on peut certes interpréter comme une allégorie de la violence patriarcale et de sa transmission à travers les générations, mais qui laisse suffisamment de portes ouvertes pour permettre au spectateur de tirer ses propres conclusions.

Little-John
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