Taper sur Luc Besson a toujours été facile, même avant les frasques qu'il n'a que produites ou écrites. Pourtant, entre ses opportunismes et ses réelles tentatives de dynamiser le cinéma français en l'américanisant maladroitement, le Parisien a sans cesse eu le goût de faire tout et n'importe quoi, quitte à mal faire les choses. Pour son énième production sous EuropaCorp, il récidive en co-écrivant une aventure bariolée et fantasque où un gamin fan de jeux vidéo plonge dans un univers de fantasy chinois. Original non ?
Du coup l'univers visuel exploitera à fond l'imaginaire chinois, avec ses légendes ancestrales, ses monts fumeux, ses rivières étincelantes, ses princesses combatives et ses guerriers philosophes. L'idée n'est pas si dégueu et on aurait craché sur n'importe quelle autre production, Besson ou pas. On l'a d'ailleurs très bien fait avec Le Royaume Interdit. En plus ici, il y a quand même un solide casting asiatique qui tente sa chance à l'international (Ni Ni, Mark "Detective Dee" Chao, Francis Ng...) et un réalisateur allemand méconnu qui avait su proposer un bon petit remake officieux de Shaun of the Dead en 2012.
En l'état, le film possède quelques très jolis plans, de somptueux décors, des costumes crédibles et une DA correcte, pas plus ringarde que le dernier Zhang Yimou ou celui de Ching Siu-tung. Ce qui va largement pêcher, c'est l'écriture, le ton du film, cette volonté navrante de penser faire un wuxia en conservant des codes américains. Du coup, on doit se farcir une intro pérave avec une course-poursuite en vélos, un choc des cultures navrant où nos protagonistes décident tout d'un coup de ne plus parler mandarin, une séquence gênante de danse chinoise au milieu de breakdancers qui applaudissent parce que c'est clair que c'est ouf le tai chi en fait et d'autres incohérences par dizaines.
Clairement, le film s'inspire et aurait pu être un bon produit des années 80, le script de Luc et son comparse Robert Mark Kamen en ayant tous les ingrédients. Sauf que c'est aussi exotique que 47 Ronin et aussi bien écrit que Karate Tiger. L'humour est poussif, puéril et inapproprié (le décalage ado trop branché/sages guerriers ça ne marche plus depuis Karate Kid), les nombreuses scènes d'action sont la plupart cadrées n'importe comment, les figurants en font des caisses et même ce pauvre Klaus Badelt à qui on a demandé de reproduire l'epicness de Pirates des Caraïbes reprend des pans entiers de son propre score.
La dernière partie du film n'est pas tant désagréable à regarder qu'elle n'apporte cependant aucune satisfaction, faisant sombrer le film dans la même indifférence que lors de sa sortie invisible. Trop mal fichu, trop infantile et bien trop long (avec des épilogues à faire pâlir Peter Jackson et un happy end volé aux Disney des années 70), The Warriors Gate aurait gagné en simplicité et, si si, en humilité.
« La science explique ce qu'est un arc-en-ciel ou un flocon de neige. Mais est-ce qu'elle explique ce qu'on ressent quand on voit un arc-en-ciel ou un flocon de neige ? »