Aucun lien avec le "Watermelon Man" de Melvin Van Peebles, donc.
Le film de Cheryl Dunye, réalisatrice et actrice principale, est assez représentatif de l'image que l'on peut avoir du cinéma américain indépendant, au-delà de la simple question des moyens qui font qu'on voit bien vite que le budget n'a pas dépassé les quelques centaines de milliers de dollars. Mais la réalisatrice afro-américaine a su faire de sa comédie à caractère légèrement romantique quelque chose très éloigné du sentencieux et du pénible, en mêlant plutôt adroitement des thématiques progressistes (les questions de l'orientation sexuelle et de l'appartenance ethnique, en sachant qu'elle incarne un personnage noir lesbien).
Tout part d'une interrogation : qui est donc cette femme noire, actrice dans des films des années 30 créditée comme "the watermelon woman" ? Cheryl se lance dans une enquête en questionnant son entourage et en démarrant un documentaire sur cette quête, comme une mise en abîme du film — en sachant que le personnage en question n'a jamais réellement existé, mais inspiré d'actrices comme Louise Beavers, Hattie McDaniel, ou Butterfly McQueen. En marge de son travail dans un vidéoclub (où s'exprime le plus les limitations d'un film que l'on pourrait qualifier d'amateur, même s'il s'en dégage beaucoup de sympathie), des rapports conflictuels avec sa collègue et amie, ainsi qu'une séduction naissante avec une cliente.
Le sujet du film, c'est bien sûr l'invisibilisation d'une catégorie sociale, en l'occurrence ici les femmes noires à travers le personnage qui, on l'apprendra plus tard, s'appelle Fae Richards et qui ne fut jamais créditée au générique avec pour conséquence l'absence de trace dans les mémoires. C'est le premier long-métrage réalisé par une femme noire lesbienne revendiqué en tant que tel, sans que cela ne se fasse pesant au niveau de la narration, au contraire on peut découvrir une ambiance de contre-culture intéressante de la fin des années 90, un peu comme les "Dykes to Watch Out For" de Alison Bechdel.