The We and the I, littéralement Le Nous et le Je. Derrière ce joli titre se cache une excellente idée. Michel Gondry, réalisateur du très estimé The Green Hornet et du magnifique Eternal Sunshine of the Spotless Mind veut nous parler du comportement changeant de l’Homme et de la Femme, nous ne réagissons pas pareil selon que nous sommes seuls (le Je) ou en groupe (le Nous).
Le gros avantage de Michel Gondry demeure que même sur un sujet philosophique, le réalisateur français n’oublie jamais de rendre son film attrayant même pour son Eternal Sunshine of the Spotless Mind sur un sujet pourtant peu évident (la mémoire). Pour sa disserte de bac philo, il emploie une métaphore simple mais pourtant efficace donc géniale. Il prend un bus, le remplit de jeunes pour le trajet de retour de l’école à la fin de l’année scolaire et le tour est joué. En effet, plus les arrêts s’enchainent et plus les jeunes descendent donc le Nous disparaît peu à peu consumé par le Je. Le tout dans une fluidité exemplaire permettant au réalisateur de décomposer son film en plusieurs actes.
Malgré tout, un tel procédé ne pouvait pas fonctionner sans l’apport d’un scénario réussi et d’un casting aux oignons. Rassurez-vous, les deux fonctionnent et même très bien à tel point qu’il est parfois difficile de distinguer le scénario originel de l’improvisation car je ne peux pas croire que les dialogues de The We and the I ont été écrit à l’avance tant elles respirent le naturel – le bio ?, tant elles sont le reflet de la société étudiante. De plus, on voit aussi que les acteurs – des vrais ? Non, ils sont tous amateurs et sont de vrais lycéens, il a fallu 3 ans pour Gondry et son équipe pour les dénicher – ont le même prénom que leurs personnages rendant un peu plus invisible la barrière séparant la réalité et la fiction aussi on efface le risque de se tromper dans les prénoms et donc de foirer l’impro.
Quoiqu’il en soit, l’ensemble fonctionne très bien. Les acteurs/personnages sont criants de réalisme et demeurent très attachants que ce soit le caïd ou le manga-boy (yeux plongés dans ses dessins) en passant par la bombe du service. C’est surtout grâce à l’absence de vrais clichés, chacun ressemble à des anciens (ou actuels pour certains de mes lecteurs) camarades de collège ou de lycée, aucun n’est réellement figé dans son stéréotype. Le tour de force est de nous réussir à nous attacher à chacun d’entre eux malgré un casting phénoménal. On rigole avec eux, on souffre avec eux, on se pose des questions avec eux. Durant leur trajet de retour, on vit la Vie avec eux.
Bien évidemment, l’humour est présent notamment dans le début (ce qui explique peut-être pourquoi on s’attache aussi vite aux personnages) avec une mamie raciste mais surtout ce fameux Elijah et sa cascade involontaire. Là encore, on retrouve cette idée du Nous et du Je. Certaines personnes ne peuvent pas se passer du Nous car il est synonyme (du moins souvent) de rigolade et de déconne. Le temps d’un Nous, nos angoisses et nos questions existentielles disparaissent en faveur à l’amitié. L’espace d’un instant, nous ne sommes plus seuls sur cette planète. Mais plus on avance (plus le Je se fait fort), moins l’humour survient et plus les questions existentielles s’ouvrent. L’humour laisse donc la place au drame, le rire aux larmes et à la réflexion. Et ce diable d’Elijah fait les frais de cette transition à moins qu’il n’en soit le catalyseur.
On avait vu Cronenberg se planter quelque peu avec son car-movie Cosmopolis ne réussissant pas à dynamiser son montage étant restreint par l’environnement anxiogène de la voiture (même si c’était une limousine). Un doute s’installait alors à l’idée de visionner un « bus-movie » – l’environnement est certes plus grand mais tout de même, près d’une heure et demie dedans alors que nous passons des années de notre vie dans les transports en commun. Il fallait vraiment quelque chose pour avoir envie d’y retourner. Et si ce quelque chose était tout simplement une réalisation de Michel Gondry.
On connaissait l’amour de l’homme pour les expérimentations – la plupart du temps réussies – et bien The We and the I n’échappe pas à la règle et offre de bons effets. Pour les séquences hors bus (un camarade raconte son histoire à un autre), Michel Gondry emploie tout simplement un effet collant le plus à cette génération, une réalisation donnant l’impression que la scène a été filmé sur un téléphone portable. D’une qualité souvent déplorable (sans jamais nuire à la lisibilité, nous sommes chez Michel, hein), elle montre que le film a été réfléchi de bout en bout. Sans oublier ces beaux plans, où ces histoires s’affichent sur les vitres du bus marquant une volonté de séparer les deux univers en plus d’être un effet visuel sympathique. On ne peut pas non plus oublier ce générique d’ouverture où on retrouve la Gondry’s Touch.
Après lecture d’interviews sur le film, j’en ai principalement retenu que le scénario a été suivi à la lettre niant mon impression d’improvisation, ça rend la chose encore plus impressionnante. Toutefois, ce scénario basé sur le vécu du réalisateur s’inspire aussi de la vie des acteurs sélectionnés afin d’offrir justement ce réalisme qui fait la force du film.
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