Je ne m’attendais pas à ce que The Whale réveille à ce point les traumas subis par les troubles alimentaires. The Whale dépeint très bien ce que l’on ressent lorsque notre intérieur vide, effrayé, désespéré recherche à être rempli pour ne plus ressentir, pour être anesthésié et oublier que la souffrance ne peut être cachée en s’affamant ou en engouffrant. Charlie ne peut réprimer ses pulsions, sous emprise de la drogue que la nourriture lui procure. Comment stopper une addiction si perverse, qui est la base même de notre survie sur terre. La nourriture c’est notre moyen de survie. Si l’on en devient addict ou si on la fuit, on meurt. Engouffrer jusqu’à endormissement, jusqu’à que l’estomac soit si plein qu’il soit obligé lui-même de tout recracher. Un trou sans fond, à remplir de nourriture jusqu’à épuisement. Mais engouffrer comme cela c’est s’affamer. S’affamer mentalement, s’affamer d’amour. La pulsion vient toujours d’une restriction. Cette pulsion que Charlie ressent il la doit à la plaie béante de son coeur, et la manière dont il se perçoit. Il se mène à un suicide lent, ne pouvant supporter l’existence.
La scène de la barre chocolatée, si vraie, on la pose, on la reprend, on fait des recherches, pour finir par la manger quand même, voir toutes celles qui sont sous notre nez, car on ne peut supporter de mettre des mots sur ce qui est, et sur ce qui est ressenti. La logique du foutu pour foutu. Et on oublie tout, pendant un moment. Le film n’est pas glamour, ici est montré la laideur, la répulsion, la non compréhension, de telle sorte qu’on ait pitié de lui. Mais je n’ai ressenti que de la compassion. Une compassion immense pour cet homme qui lutte jusqu’à mourir, n’ayant trouvé aucun autre chemin de guérison. Et ce qui est beau c’est qu’il met toute l’énergie qui lui reste à sa fille, tout l’espoir et tout l’amour qu’il devrait se donner il l’inonde à l’extérieur.
Son corps nous montre l’aboutissement d’années d’un comportement addictif. Mais ce qui est pour moi le mieux représenté c’est la pulsion, l’avidité de la nourriture, le fait d’empiler des tas de nourriture qui ne vont pas ensemble, froid, même tout juste sorti du congélateur, tout ce qui passe sous la main, pour avaler, avaler, avaler, ce que l’on ne peut plus avaler avec nos émotions et notre tête. C’est un cycle infernal qui fonctionne avec toujours plus de culpabilité et de maltraitance de soi. On ne se sent jamais assez, jamais valide et jamais vraiment à sa place. Et le problème perdure car on pense que la douleur ne s’en ira jamais. Mais on a le droit de ressentir tout ça, on a le droit d’être un être doté de belles émotions, et même dans la douleur et la tristesse, on ne mérite pas de se faire tant de mal. Allez le dire à Charlie… il vous dira « désolé ». Et ça c’est bouleversant, ça prend au coeur. Car on voudrait tellement disparaitre dans ces moment, ne pas faire souffrir son entourage, arrêter le cycle infernal…
Pour moi c’est une réussite qui relate l’addiction dans sa forme la plus froide mais aussi dans la lumière qui n’est jamais loin…
L’amour triomphe.