Le sergent Howie (Edward Woodward) est envoyé sur une île au large de l’Ecosse, dirigée par lord Summerisle (Christopher Lee), pour enquêter sur la disparition d’une jeune fille. Seulement, les habitants de l’île ne semblent guère disposer à l’aider. Pire, au fur et à mesure de son enquête, Howie, catholique pratiquant, va se heurter au paganisme des îliens, à leur foi panthéiste et à leurs pratiques dépravées, voire sanguinaires…
Malgré le scénario propice aux frissons d’usage, le film de Robin Hardy est à mille lieues du film d’horreur traditionnel, hésitant plutôt entre la comédie dramatique, le film noir voire même... la comédie musicale ! Le réalisateur en personne dira d'ailleurs avoir voulu faire un « anti-film d’horreur ». Tous les ingrédients sont effectivement là pour empêcher Le Dieu d’osier de basculer du côté de l’horreur : absence quasi-totale de violence, mais aussi de noirceur, la plupart des scènes se déroulant au grand jour sous un soleil radieux, ambiance souvent gaie voire franchement amusante, part de mystère se réduisant à une peau de chagrin, sacrifice humain se déroulant sur le ton d’une fête de village pleine de joie… Les amateurs de films d’horreur ou d’épouvante pourront en être déconcertés, mais tout de même intéressés, étant donné que Robin Hardy reprend malgré tout tous les codes de ce genre de film, mais pour mieux les transformer.
Ainsi, le réalisateur et son scénariste Anthony Shaffer ne cherchent pas à effrayer leur spectateur, mais à le faire réfléchir. Car c’est à une vraie leçon de culture religieuse qu’ils nous convoquent ici, mettant en scène l’opposition entre un paganisme décomplexé et un catholicisme d’apparence rigoureuse, pour ne pas dire rigoriste. Pour autant, chaque spectateur verra dans ce film ce qu’il veut y voir, pouvant aussi bien prendre le parti d’un policier catholique qui représente la loi et lutte contre des villageois qui entravent son enquête en se moquant ouvertement de lui, ou alors celui des villageois qui pratiquent leur religion païenne entièrement tournée vers la nature à la manière hippie, à l'ouverture sexuelle très prononcée, dansant nus autour d’un feu sur la lande, faisant l’amour au vu et su de tout le monde, enseignant aux enfants les connotations sexuelles de leurs rites païens, etc…
Même si la fin du film, en faisant tomber les masques, laisse assez peu d’ambiguïté sur le caractère néfaste et manipulateur d’une telle religion, qui ne se soucie guère d’une vie humaine, là où le catholicisme y attache une importance capitale, opposition fort bien montrée entre les villageois, prêts à sacrifier un homme innocent pour améliorer leurs récoltes, et le sergent Howie, prêt à tout pour trouver et sauver la jeune fille disparue,
cela n’empêchera pas le paganisme de finir par triompher du christianisme, dans un final particulièrement cruel.
On pourra dès lors, selon son contexte personnel et ses idées, s’enthousiasmer pour une population qui pratique de manière ouverte une culture religieuse en harmonie parfaite avec la nature malgré son aspect sauvage encore vivace, ou plutôt déplorer toute forme de religion, telles que ces deux fois qui, par leur apparente intolérance respective, finissent par s’annihiler l’une l’autre, ou enfin condamner la déchristianisation qui a accompagné notre vingtième siècle, provoquant un retour aux sources barbares, qui passe par la pratique d’une culture cruelle et inhumaine.
Toute l’interprétation du film est donc laissée au spectateur, et chacun le fera en se remémorant ces mots d’Oscar Wilde : « Tout art est à la fois surface et symbole. Ceux qui plongent sous la surface, le font à leurs risques et périls. Ceux qui sondent le symbole, le font à leurs risques et périls. En réalité, c'est le spectateur, et non la vie que l'art reflète. » Ça n'a jamais été aussi vrai que pour ce film...