Bénéficier d'un casting pareil, ça suffirait probablement à faire un bon film. Quel plaisir de voir ces grands comédiens s'emparer des petites misères sentimentales et professionnelles de gens comme les autres, tout Prix Nobel de littérature qu'ils sont ! Glen Close est impériale, en épouse gardienne du Temple, et Jonathan Pryce joue à merveille le pauvre petit grand homme que sa femme aurait du mal à ne pas voir comme son troisième enfant, même si elle y mettait de la bonne volonté. L'écrivain mondialement reconnu compte sur elle pour tout : prendre ses médicaments à l'heure, intercéder entre ses enfants et lui, paraître impeccable sur les photos alors qu'il a mangé comme un goret à table, la liste est longue. Dans quelle mesure elle comprend également son ascension fulgurante au pinacle littéraire mondial, c'est tout l'enjeu de ce film tout d'abord plutôt malin. La fin est davantage sujette à caution car elle plie tout en quelques minutes et tranche allègrement un débat qui aurait mérité de rester plus vague... Reste un duel d'acteurs exceptionnels, secondés par un Christian Slater tout en roublardise, s'amusant à mélanger les registres pour mieux brouiller les pistes. Car tout est jeu de dupes, dans cette histoire qui dissèque le fonctionnement d'un couple. Lui est attendrissant, elle est admirable. Il se voudrait admirable, elle bataille pour ne pas inspirer de commisération parce qu'elle lui a sacrifié sa carrière, qui s'annonçait prometteuse, et peut-être même sa vie. C'est toute la question : est-ce que ça valait le coup ? Au moment où ils deviennent grands-parents et où Monsieur reçoit le Prix Nobel, on serait tenté de dire que oui. Ah oui, vraiment ? La réponse en regardant ce bras de fer qui commence par une scène édifiante sur la grâce avec laquelle on peut accepter le devoir conjugal quand on a autre chose en tête... Le vieux bébé joue de son charme mais en fait il est odieux. Sa vestale lui a toujours tout pardonné, parce qu'elle ne contrôle pas ce sentiment si fort qui l'unit à lui depuis le début bancal de leur histoire. Plein d'enjeux subtils se mettent en place à coups de flashbacks qui rappellent Nos plus belles années, parfois. Bref, des tas de bonnes raisons de voir ce film en mille-feuilles roboratif, doux-amer et féministe dont on aurait aimé qu'il dure plus longtemps et nous emmène encore plus loin.