Accepter qu'un film d'horreur peut-être autre chose que Conjuring

-- Les spoilers sont indiqués en *, par des renvois à la fin de cette critique. --

Un de mes films préférés, vu et revu, qui à chaque fois m'en apprend davantage sur le sujet.

Contrairement à ce que peuvent dire la plupart des commentaires, il s'agit pour moi d'un film d'horreur, mais fonctionnant bien différemment de la plupart des films du genre aujourd'hui. Par exemple, on ne retrouve aucun jumpscare.

La première fois que je l'ai vu, j'étais assez décue car mes attentes étaient associées à des "classiques" d'horreur du genre univers Conjuring et autres. Mais, comme annoncé dès le début en sous-titre, il s'agit d'un "conte populaire de la Nouvelle-Angleterre". En tant qu'historienne de l'art, il est particulièrement plaisant de retrouver toutes les références à des textes, des légendes, des raccontards (avérés ou non) sur les sorcières* : on les retrouve dans de nombreuses sources plus ou moins factuelles (mais non moins existantes, et avec de forts retentissements). J'ai personnellement lu La Sorcière de Jules Michelet qui est particulièrement éclairant à ce propos, mais on retrouve également des traces du Malleus Malleficarum (Le Marteau des Sorcières), les procès en sorcellerie (Salem par exemple), etc.

C'est donc un film à visionner à la lumière de l'ambiance puritaine et de cette peur irrationnelle des sorcières et de tout ce qui leur est associé** , qui transmet bien l'ambiance d'horreur et de suspicion permanente autour des femmes, en particulier des jeunes filles. Donc oui, c'est un film d'horreur (et je trouve assez intéressant de voir que le genre de l'horreur est le seul qui pose systématiquement un débat sur la question de la terminologie) ramenant à toutes les lectures de nouvelles fantastiques du type La Vénus d'Ille de Mérimée, les contes de Maupassant et autres. Je crois que nous devons accepter qu'un film d'horreur peut aller au-delà du "faire peur" et raconter autre chose en plus. C'est d'ailleurs là que l'horreur devient particulièrement intéressante : l'horreur d'Hitchcock nous interroge sur l'écologie dans Les Oiseaux, The Haunting of Hill House nous pose la question de l'amour en plus de l'univers terrifiant de la maison hantée, etc. Si vous vous attendez à un film qui ne fait que peur, passez votre chemin, mais si vous aimez l'ambiance des contes populaires sur les sorcières de la Renaissance (et non médiévale), foncez.


*⚠️ SPOILER ALERT⚠️ les fameux balais enduits d'onguents, les sacrifices d'enfants, les associations bibliques, etc.

** ⚠️ SPOILER ALERT⚠️ la peur des bois, vivre à leur lisière, le bouc, le lapin, etc.

uneelfeetdespommes
9

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Créée

le 24 sept. 2024

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