N'avez-vous pas honte ?

Avec "The Wizard of Lies", HBO signe un nouveau téléfilm phare, très adulte dans sa façon de traiter son récit, tout en ne lésinant pas sur le spectacle, notamment grâce à la composition excellente d'un des plus grands acteurs du monde dans la peau de l'un des plus grands escrocs du monde.

Le 12 décembre 2008, Bernard Madoff, financier de Wall Street, est arrêté à son domicile de Manhattan par le FBI. Il est accusé d'avoir détourné près de 50 milliards de dollars. Ce film de Barry Levinson revient très largement sur les coulisses de cette arrestation ainsi que sur le procès médiatique qui s'en est suivi. De plus, à travers une interview de Bernie réalisée en prison, et donc recréée pour les besoins du film, "The Wizard of Lies" revient sur les dates clés qui ont précédé la chute de l'un des hommes les plus respectés de Wall Street.

Le premier élément plaisant dans cette œuvre, c'est son aspect portrait qui permet de comprendre le comportement d'un homme complexe et ambigu. Le second élément très intéressant, c'est son aspect film d'enquête qui permet de prendre de la hauteur sur une suite d'événements qui ont pu être édulcorés par la presse. "The Wizard of Lies" n'est donc pas un biopic ni un drame, c'est clairement un savant mélange des deux.

Barry Levinson signe ici une excellente mise en scène, d'une froideur incroyable dans les scènes ante-arrestation, et d'une tension limite psychotique dans les scènes post-arrestation. Suite à mon visionnage, je ne pense pas me montrer en disant que le réalisateur a bien su capter tout le culte qu'a suscité Bernard Madoff avant sa chute. Bernard Madoff, c'était un peu une sorte de Gordon Gekko grandeur nature ... un homme d'un grand charisme, respectable, suscitant crainte et admiration. Le film distille parfaitement bien tout le sang-froid du personnage. Pour expliquer cet aspect du comportement de Madoff, on peut citer par exemple la scène où il choisit méticuleusement ses cravates juste avant de se faire arrêter. Le calme avant la tempête ... un homme d'un calme imperturbable.

Pour interpréter ce personnage, qui de mieux que Robert De Niro ? Personne. L'acteur signe une excellente prestation, d'une grande sobriété qui sied plus que jamais au personnage. On peut également saluer la performance de Michelle Pfeiffer dans le rôle de Ruth Madoff, la femme du financier. En effet, la force du film c'est aussi son côté introspectif, qui nous glisse dans l'intimité de la famille Madoff. Le film installe alors un doute raisonnable : étaient-ils complices du père de famille ? Son côté nuancé rend "The Wizard of Lies" extrêmement agréable à regarder. Le long-métrage n'est pas totalement un brûlot ... c'est un film intelligent qui expose le point de vue de Bernard Madoff. Dans le même temps, celui des victimes, flouées, à la rue, est bien évidemment mis en avant. On peut alors citer une autre scène coup de poing du film : Bernie en plein délire rêve de ses victimes. S'adressant à lui, l'une d'elles lui réplique : n'avez-vous pas honte ?

La honte, la ressent-il ? Peut-être un peu, étant donné qu'il s'est lui-même dénoncé. C'est d'ailleurs l'un des points les plus importants du film, à savoir que personne ne se doutait de rien. Sans un relent de culpabilité, le magicien des mensonges sévirait peut-être encore ...

En conclusion, j'ai trouvé ce téléfilm HBO absolument passionnant. Malgré deux ou trois longueurs à certains moments, Barry Levinson ne rate pas son tir. Le film expose deux points de vue, celui du coupable et celui des victimes ... on ne revient pas sur les intentions de Madoff, mais à quoi faire ? Les motivations d'un sociopathe doivent-elles être explicitées ? Il n'y aurait aucune réponse rationnelle à apporter à de tels agissements ... "The Wizard of Lies" a donc attaqué le sujet sous le bon angle. Great !

Ma note : 8,5/10.