En 2011-2012, The Woman a été porté par un joli buzz et d'abondantes polémiques, en faisant malgré lui une sorte de nouvelle bête de foire agressive type Human Centipede, discours social en plus. Les qualifications de misogyne ou de féministe ultra se sont succédées, alors que la seconde devrait l'emporter sans laisser la moindre part de doute. Toutefois l'intense connerie du métrage peut flouer les pistes. On surestime parfois les vertus ou l'intelligence cachées de la bêtise manifeste et triomphante : pour ça, The Woman se pose comme un exemple mémorable.
Tout en fournissant de quoi satisfaire ou au moins occuper les amateurs de pellicules trash, le réalisateur de The Woods s'égare complètement. Son mix de L'enfant sauvage (Truffaut) et The Girl Next Door s'attaque encore une fois [dans le monde de l'Horreur à cette époque] à la petite bourgeoisie traditionnelle et old school de l'Amérique rurale (ce ne sont pas des white trash, il y a quelques cache-misère par rapport à ceux-là). La banalité et la facilité ne sont pas embarrassantes en elles-mêmes, pas plus que la paresse du scénario. Le vrai malaise est ailleurs ; ailleurs que dans la violence extraordinaire dans laquelle toute cette foire finira.
La démonstration au cœur du film n'a aucun sens. The Woman voudrait dénoncer le machisme, le rouleau-compresseur de la morale, la corruption de la civilisation par ceux qui s'en réclament ; il aurait fallu des personnages un tant soit peu cohérents pour cela. Ironiquement, la fille sauvage est totalement sous-estimée : elle reste déshumanisée conformément à la vision de ses bourreaux, seulement présente lors des moments où elle éprouvée ou au contraire lorsqu'elle se venge. Ce n'est qu'un bout de viande agité, sale la plupart du temps, dont le spectateur partage la souffrance dans une séquence (où nous entendons les ultrasons qu'elle-même perçoit après avoir reçus des coups) ; puis échangeant des regards implorants avec la mère incarnée par Angela Bettis (solidarité féminine inside face à l'aliénateur commun).
Quelques idées valables sont articulées, comme la 'reproduction' de la domination masculine avec le fils profitant des délires de son père, se comportant progressivement comme un tyran avec sa famille puis espérant se dépuceler avec la captive. Mais Lucky McKee et Jack Ketchum manquent gravement de discernement et au lieu d'assumer une approche rigoureuse, se dispersent pour toujours en revenir aux élans les plus primaires (et racoleurs) du cinéma d'horreur cheap. Lorsqu'ils tachent de mettre relief la dysfonctionnalité de cette famille et son absurde situation, ils ne savent être justes que dans la farce. Tout ça a beau être grotesque, pathétique et puant, ça ne tient pas debout ; le casting a beaucoup de mérite, en arrivant à justifier l'inanité de l'approche générale.
C'est paradoxalement en s'approchant de la bouffonnerie, même lorsque ce n'est pas tant maîtrisé ou voulu, que The Woman arrive à tromper sa médiocrité : si le ton du premier tiers était celui de toute la séance, il n'y aurait pas cette dimension pittoresque, seulement cette niaiserie offensive et pompiériste avec orientation clipesque et BO pop-rock hideuse. The Woman est en fait un pur produit grindhouse excentrique dont les prétentions sont d'une maladresse consternante ; un peu démago mais tellement mal foutu sur ce plan que seuls les plus volontaires ou idéologues arriveront à en tirer une manne exploitable.
Le dénouement totalement grand-guignol vient saboter les maigres constructions décentes (comme le masque de respectabilité du père – qui finit par se comporter en personnage de cartoon dépassé par son sketch). Lucky McKee ne manque pas de ressources intrinsèques, juste, d'abord dans l'écriture, de lucidité et de perspective. Fin et viscéral, May pourrait être une anomalie dans la carrière de cet auteur.
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