Après un premier essai réussi avec May en 2002, McKee galère. Un épisode moyen de Masters of Horror, un The Woods qui ne convainc pas, Red en 2008 semble alors enfin annoncer son grand retour. Mais il quitte le film en cours de route, passant la main à Trygve Allister Diesen. Attendu au tournant, c'est seulement l'année dernière qu'il retrouve son comparse Jack Ketchum pour tourner The Woman. Ces années difficiles ont probablement dû influer sur la réalisation nerveuse du film, attendu dans pas mal de festival après la micro-polémique de Sundance comme LA caution hardcore. Mais s'il est vrai que ce film semble avoir été fait avec la rage au ventre, inutile d'escompter ici un énième torture porn racoleur. McKee a des choses à dire et il est bien décidé à hurler pour se faire entendre.
Alors que les premières minutes nous font entrer directement dans le vif du sujet avec cette jeune femme sauvage errant dans les bois, nous sommes aussitôt brusquement de retour dans un monde aseptisé où une famille tout droit sorti d'une pub Ricorée passe un dimanche après-midi tranquille. Mais une fois les protagonistes introduits, McKee ne fait pas trainer les choses. La jeune femme est rapidement capturée par le père, bien décidé à employer tous les moyens pour la « civiliser » avec l'aide de sa femme et de ses enfants.
Changeant de registre avec ce projet, McKee plonge dans l'outrance et l'excès pour mieux faire ressortir l'horreur inhérente à la situation. Ses personnages sont volontairement archétypaux, en tête la figure paternelle. Interprété par Sean Bridgers, parfait en mari odieux et violent, il est absolument infâme tant il transpire la misogynie et la suffisance. Dans son ombre se cachent la mère, modèle de soumission dont la justesse du jeu d'Angela Bettis rend pleinement la peur qui la glace ainsi que la fille, adolescente triste et paumée. Autant de clichés qu'ils s'imposent à eux-même, tous semblant n'aspirer qu'à entrer dans le moule d'une certaine société américaine bien pensante.
Agissant alors comme un révélateur, l'arrivée de cette jeune femme va faire éclater les apparences, chaque membre de la famille dévoilant à son contact ses plus bas instincts. Car dans le confort de leur home sweet home, à l'abri des regards, l'ambiance change radicalement et ce sont les humiliations qui se font récurrentes. La violence exercée par le père et le fils, sorte de modèle réduit du premier, n'est jamais aussi dérangeante que lorsqu'elle plane dans l'air, menaçant d'exploser à chaque instant, véritable torture psychologique que les deux hommes exercent avec un calme troublant. Au final, ce ne sont pas tant les coups que l'appréhension de ceux-ci qui murent les femmes dans leur silence.
McKee a par ailleurs un véritable don pour capter ces non-dits et ces instants de flottement notamment lors d'une scène magistrale où, par la seule force d'un regard échangé, la mère et la prisonnière semblent parfaitement en phase. On regrettera alors d'autant plus le choix d'une musique rock sirupeuse gâchant l'intensité de certaines séquences. The Woman souffre également de quelques longueurs mais le final furieux les fera vite oublier. Une vingtaine de minutes d'une violence inouïe, d'une vengeance aveugle qui loin d'être complaisante donne tout son sens au métrage. Somme de toutes ces femmes, l'otage bestial transforme en réalité leurs fantasmes inassouvis de liberté, même si elles devront pour cela en payer le prix fort.
Avec ce film brûlot, McKee renoue avec le féminisme, son thème de prédilection, dans ce qu'il a de plus noble et intelligent. On excusera alors la forme parfois brouillonne de son Woman tant celui-ci fout une claque grandement salutaire.