La pédophilie est, avec le viol, l’un des délits les plus délicats à mettre en image au cinéma, et il est alors encore plus difficile de décrire le personnage du pédophile. Dans la culture populaire, ça doit être le délit le plus violemment rejeté, et un sondage demandant la peine de mort pour ce genre de criminel donnerait des résultats déjà prévisibles. Toujours est-il qu’au cinéma, le pédophile est la plupart du temps un être vil, sadique et totalement antipathique. L’associé du Diable, sleepers, le droit de tuer, la peur au ventre, le remake des griffes de la nuit… La liste est longue, et à quelques différences près, on constate que ces figures de pédophiles cumulent les caractères déviants, et deviennent des sortes de bouc émissaires de la société, qui leur tape dessus sans aucun ménagement. Nicole Kassell l’a bien compris, et tente une brillante initiative : inverser les points de vue. Le pédophile n’est plus un agresseur de la société, c’est la société qui va se défouler sur le pédophile, bien après sa peine de prison.

Très osé de proposer un discours pareil sur un sujet aussi délicat. Ici , le pédophile Walter vient de purger une peine de 12 ans de prison pour attouchements sur mineures (de 10 et 14 ans). Il tente sa réinsertion (en liberté conditionnelle) dans une petite ville à l’écart, où il devra pointer régulièrement au commissariat. Il cherche à être discret et évite abruptement chaque tentative de prise de contact des autres personnes de l’endroit où il travaille. Puis peu à peu, un flic du coin commence à le surveiller, en lui annonçant clairement qu’il va le faire plonger au moindre soupçon de rechute. Walter s’écrase toujours, mais ses anciennes pulsions ont l’air de refaire peu à peu surface, surtout depuis qu’il s’est aperçu que son appartement donne sur une école, et qu’il remarque qu’un autre homme observe régulièrement les enfants depuis sa voiture…

Sincèrement touchant dans le malaise profond qui emplit Walter, ce film prend totalement nos attentes à contre-pied, en montrant combien la société peut être méprisante envers ses condamnés. Alors qu’une femme vexée de son entreprise découvre son passé criminel et en informe le personnel de travail, le beau frère de Walter lui ramène peu à peu ses affaires, préparant ostensiblement une rupture de contact entre lui et sa famille. L’hypocrisie d’une sexualité « normale » est magnifiquement dénoncée au cours d’un dialogue où le beau-frère avouera avoir trompé la sœur de Walter plusieurs fois pour le plaisir du beau sexe. Violent. Il y a même, pour la première fois au cinéma, la suggestion de l'idée que la pédophilie puisse être une pulsion comme une autre, et non la "maladie" que tout beauf bien-pensant dénoncera en crachant sa petite bile suffisante.

Mais c’est l’évolution de notre personnage principal qui nous intéresse, et particulièrement l’amitié naissante entre lui et une jeune fille de l’école d’en face. A chaque moment de leur relation, nous craindrons une rechute de Walter, qui ne se sentira pas à son aise non plus. La conclusion du film est étonnante, et vraiment enthousiasmante car elle rend parfaitement justice à Walter, qui devient dès lors un personnage vraiment sympathique qui a tout fait pour tenter de changer.

The Woodsman, c’est un cri du cœur, une illustration juste du calvaire de la réinsertion pour un délinquant sexuel et un véritable encouragement pour chaque pédophile en réinsertion à rectifier leur comportement sans pour autant les rabaisser à leur faute. Osé, et magnifiquement réussi.
Voracinéphile
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le 13 oct. 2013

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