Bénéficiant d'un contexte complètement inédit grâce à l'épidémie de Covid-19, "The Wretched", une petit film estampillé IFC comme il en existe tant, est devenu le succès horrifique dont tout le monde parle grâce à son score impressionnant dans les quelques salles réouvertes aux États-Unis et surtout aux séances drive-in où le long-métrage fait apparemment un malheur. Évidemment, vu de France et en cette période de disette cinématographique, on peut légitimement s'interroger sur la réelle valeur de ce film des frères Pierce, est-il en effet devenu un phénomène seulement par le fait de circonstances extraordinaires ou par ses qualités intrinsèques de bon film de genre ?


Adolescent à problèmes, Ben a très mal vécu le divorce de ses parents. De retour chez son père pour quelques temps, il découvre que ce dernier a désormais une nouvelle compagne.
Durant son job d'été à la marina du coin, il tombe à la fois sous le charme de sa sympathique collègue et d'une plaisancière de passage.
Comment le jeune homme va-t-il régler ses terribles problèmes familiaux et sentimentaux ?
Ah, accessoirement, il y a une créature très louche qui s'amuse à croquer les voisins du coin...


Bon, ce résumé très succinct (et un chouïa caricatural) du début de Wretched" doit déjà vous donner pas mal d'indices sur la catégorie à laquelle il appartient... et, vous l'aurez sans doute deviné, ce n'est pas celle de la mouvance auteurisante de l'horreur US du moment. Non, "The Wretched" est bel et bien une teen-épouvanterie pur jus, au déroulement scénaristique si mécanique que le film semble tout droit sorti du même moule que bon nombre de produits de l'horreur la plus commerciale de ces dernières années.
Toute la formule s'étale devant nous comme une recette invariablement figée dans ses ingrédients/poncifs : le flashback introductif inutile, l'exposition bien trop longue sur les problèmes futiles de ses personnages avec en parallèle quelques manifestations de la créature pour nous rappeler la teneur du film, la montée en puissance de cette dernière, un héros incompris de tous, la recherche Google qui désintègre le mystère (quoique le film donne au moins l'impression d'en plaisanter), le combat final, le rebondissement final, l'épilogue pensée pour l'avenir... L'ossature de l'écriture est tellement inscrite dans un schéma prévisible qu'elle pourrait directement condamner "The Wretched" à rejoindre les limbes cinématographiques gorgées de teen-navetons du genre passés avant lui...


"Pourrait" car se focaliser uniquement sur sa mécanique fatiguée ne serait pas vraiment rendre justice au film des frères Pierce. En termes de contenu, "The Wretched" va en effet proposer pas mal de choses intéressantes qui, si elles ne lui permettront pas de transcender son format de teen-épouvanterie, vont au moins en faire un divertissement honnête en sa catégorie.
D'abord, mine de rien, le film propose une créature au mode opératoire un minimum original, celle-ci fera parfois un peu n'importe quoi pour se mettre en danger (depuis le temps qu'elle agit ainsi, elle pouvait se douter que se mettre toute nue et faire craquer ses os dans tous les sens devant l'entourage de sa victime était de nature à éveiller quelques suspicions) mais elle a le mérite d'être un croquemitaine plutôt bien pensée et très dangereuse dans ses activités de "chasse". Dans le monde aujourd'hui très aseptisé des antagonistes de films d'épouvante pour ados, celle de "The Wretched" fait plaisir à voir malgré une mythologie et une véritable apparence encore à peaufiner !
Ensuite, la nature même de ce monstre épouse les tourments de son principal adversaire adolescent: ce dernier crie son désespoir de voir sa famille brisée et remplacée au sens figuré pendant que la créature, elle, fait tout cela littéralement. La finalité du propos est minime et débouchera en plus sur une morale horriblement conservatrice sur les familles recomposées mais, tout de même, "The Wretched" fait au moins l'effort de ne pas tomber dans l'horreur gratuite et préfère l'accoler au sort de ces héros sur le fond. Un autre bon point pour lui !
Enfin, les Frères Pierce font toujours preuve de générosité pour assurer le spectacle aussi bien à l'écran que du côté des rebondissements de l'intrigue. Dans le premier cas, la créature sera souvent très bien mise en valeur par de bons effets spéciaux à l'ancienne et dans la violence de ses agissements (ça croque de l'enfant, punaise !), quitte à en faire parfois un peu trop, la surenchère vaine de l'affrontement final notamment. Dans le deuxième, on doit bien avouer que l'on n'aura pas vu venir un rebondissement très gonflé de cette histoire ! La révélation apparaît un brin capillotractée dans des détails que l'on tente de nous expliquer mais, bon sang, que cela fait du bien d'être surpris dans un film dont on pensait connaître tout le cheminement par avance ! Encore une preuve que "The Wretched" vaut décidément le coup d'oeil.


"The Wretched" est donc bel et bien une teen-épouvanterie avec tous les défauts que cela peut induire... et aussi la preuve que ce genre de film peut également posséder des ressources inattendues pour aboutir sur un résultat un minimum honnête. Sans doute pas assez pour prétendre au film d'horreur de l'année mais, pour une séance d'un soir au drive-in du coin (ou chez soi), ça fera l'affaire.

RedArrow
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le 6 juin 2020

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RedArrow

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