Il faudrait étudier la sous-catégorie du froid à l’image, et la manière dont la photographie parvient à la restituer. C’était déjà l’une des grandes réussites du chef op Adam Arkapaw dans le Macbeth de Justin Kurzel, et l’une des forces de toute l’exposition de ce Lady Macbeth qui ne s’inspire que lointainement de Shakespeare, la protagoniste partageant avec son modèle une radicalité cruelle peu communie.
Le froid, donc : des intérieurs blafards, une maison austère et pâle, des draps qu’on devine glacés, à l’image de la société figée qui sert d’écrin à la demoiselle fraichement mariée (Florence Pugh, impressionnante, sorte de Daenerys Targaryen en milieu réaliste) et qu’on va corseter avec violence. L’ouverture des volets, la brosse dans les cheveux, la simple présence à un repas où les hommes l’ignorent, tout relève de l’épreuve brutale.
Katherine n’existe que par sa présence. La sexualité de son mari, qui se contente d’exiger son exhibition sans la toucher, alors que son beau-père exige avec obscénité une saillie rapide et fertile achève la réification. Elle subit, et se tait, sous les yeux de sa domestique sur laquelle elle commence à prendre un ascendant qui ressemble beaucoup à de la vengeance.
Des échappées sur la lande désolée où la bruyère rousse prend des éclats sublimes sous la pesanteur d’un ciel chargé semblent indiquer la voie d’un drame romantique.
Ce ne sera pas exactement le cas.
(la suite contient des spoils)
Lorgnant d’avantage du coté de Park Chan Wook et son Lady Vengeance que de Dreyer, William Oldroyd joue résolument la carte de la surenchère. Si les premiers émois sensuels déplacent habilement la frustration de Katherine vers une sexualité débridée, et portant malgré elle les stigmates de sa condition, la mutation de l’intrigue en massacre organisé de toute la maisonnée n’atteint pas véritablement sa cible.
Alors que l’intensité se jouait dans les silences et le mutisme d’une violence feutrée, l’escalade un peu désordonnée et presque en roue libre du scénario finit par s’éventer, voire désintéresser un spectateur dont on ne se soucie plus guère. Torcher tous ces meurtres et cette fuite en avant sur 1h25 relevait de la gageure, et on est bien loin du Shakespeare annoncé dans le titre originel. Il ne suffit pas d’aligner les corps pour acquérir automatiquement le label « tragédie »…
Tout ce qui faisait la tension venait donc du froid, et devrait donner à réfléchir à son réalisateur, qui n’est pas dénué de talent : à partir du moment où le récit s’échauffe, la belle épaisseur s’évapore.