Daniel Day-Lewis, cet acteur légendaire dont je n’avais encore vu… aucun film. Vous y croyez, vous ? Il était urgent d’y remédier et de faire le premier pas. Pour ce faire, j’ai choisi There Will Be Blood, réalisé par Paul Thomas Anderson, un film à propos duquel on ne tarit pas d’éloges. Une séance qui a mêlé stupeur, longueur, circonspection et fascination.


Les Etats-Unis à la fin du XIXe et du XXe siècle, une période relativement énigmatique aux confins d’un siècle plein de troubles, et à l’orée d’un nouveau siècle plein d’innovations et d’espoirs. Ce contexte, Paul Thomas Anderson le représente dès les premières scènes de There Will Be Blood, en nous présentant ce prospecteur solitaire parti s’enterrer dans des mines, au cœur d’une nature hostile et lointaine. C’est l’image d’un monde chaotique, nu, désert, à l’image de la très belle scène où Daniel mange accroupi près d’un feu de camp, au beau milieu de rien, sous une lumière déclinante, un éclair surgissant au loin, et le tonnerre retentissant ensuite. L’année qui s’affiche alors, 1898, suggère une époque lointaine et reculée, la fin d’un siècle mêlant chaos et création, et c’est tout ce que la suite du film va continuer à décrire au fil de l’intrigue.


There Will Be Blood raconte donc l’histoire d’un petit prospecteur d’or et d’argent solitaire qui va peu à peu se tourner vers le pétrole, nouvel « or noir », et partir à la conquête des nombreuses opportunités qu’il présente. « Opportunité » est un des mots qui définit mieux le début du XXe siècle, avec ses nombreuses révolutions technologiques, l’immigration massive aux Etats-Unis, mais aussi l’exploitation du pétrole, qui fit la fortune de grands hommes d’affaire tels que Rockefeller. Daniel Plainview est une sorte de Rockefeller, bien qu’à plus petite échelle. Ce personnage, dont on découvre les débuts pénibles puis la progression impressionnante vers le statut d’homme d’affaires implacable à la tête de nombreuses exploitations, suggère la narration d’une véritable success story, à l’image du Citizen Kane d’Orson Welles, mais il n’en est rien.


Le film nous plonge dans les plus sombres recoins de l’être humain, dans un mélange fatal de cupidité et de machiavélisme, symbolisé par les deux personnages principaux que sont Daniel Plainview, et le prêtre Eli Sunday. Les deux hommes désirent plus que tout leur réussite personnelle et à asseoir leur influence sur leurs pairs. Ces deux hommes, qui n’ont pourtant rien en commun, se retrouvent ici justement empêtrés dans un conflit d’intérêts destructeur qui montre leur vraie nature et ce qu’il y a de plus malsain et dangereux dans le caractère de l’être humain. L’homme d’affaires, celui qui crée des relations pour développer son entreprises, doit symboliser le mal face au prêtre, l’homme de foi. Mais pourtant ce dernier est lui-même motivé par une volonté d’accroître inexorablement son activité et de la nourrir financièrement pour rassembler toujours plus d’adeptes. Ainsi, point de manichéisme dans cette histoire, si ce n’est l’expression de la construction par la destruction, de l’annihilation des mœurs, et de la quête inexorable du pouvoir qui peut sommeiller en chacun de nous.


Drame profond et très pessimiste, There Will Be Blood est un film très violent psychologiquement, et qui prend totalement le contre-pied des films sur les success stories du début du siècle en faisant de l’ascension de Daniel Plainview une âpre lutte débouchant sur une amère résolution dont nul ne peut se satisfaire. Doté d’une magnifique photographie, mené par deux acteurs au sommet de leur art (Daniel Day-Lewis et Paul Dano), There Will Be Blood est de ces films qui se décantent, qui se digèrent avant de pouvoir être en mesure de restituer ce qui constitue leur essence. Sans renier les quelques longueurs qui m’ont quelque peu désarçonné, je ne peux qu’admettre la force de ce film. Le regard perçant et glaçant de Daniel Day-Lewis me hante, et je me dis que j’ai bien envie de revoir ce film pour le juger définitivement à sa véritable valeur.

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le 15 août 2017

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