Le film, dont l'action se situe au début du XIXème siècle, décrit les fondements de l'Amérique à travers le parcours de Daniel Plainview, pétrolier cruel et misanthrope, tour à tour confronté à la matière, à sa nature, et au monde qui l'entoure.


L'ouverture, que je ne décrirai pas ici outre mesure, est d'emblée magistrale. 20 minutes d'un cinéma primitif, d'un retour au fond des choses, à l'origine-même de la matière, du cinéma (muet, corps, ombres, lumières), et de la nature humaine. Tout le propos du film s'y trouve condensé, et admirablement évoqué par la musique - primitive elle aussi - de Jonny Greenwood.


La majestuosité de la mise en scène se base avant tout sur l'étendue du cadre, comme si tout l'objet du film était d'arriver à contenir l'immensité du territoire, alors même que l'horizon est par nature fuyant. Ce sens du grandiose rappelle les westerns classiques, eux-mêmes fondements du cinéma hollywoodien et de l'imaginaire américain. Une scène, en particulier, marque par son aspect grandiose et vaut à elle seule le visionnage du film : l'explosion du puits de pétrole. Tout, jusqu'à la musique presque incantatoire, donne ici l'impression d'une transe enflammée autour d'un totem géant.


Ce qui marque également dans cette mise en scène, c'est qu'elle s'appuie sur le temps long. Les plans durent, privilégiant le mouvement, le cadrage, à la coupe. Je vous renvoie vers une vidéo particulièrement intéressante à ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=7KlopLcNC1Y


J'aimerais plus encore développer sur ce que l'on pourrait appeler un film-matière. Le pétrole joue évidemment un rôle prééminent dans le film et suggère la chose profonde, le fond de la terre, et par extension le fond de l'homme, cet aspect bestial, animal. Daniel Day Lewis, qui donne ici ce qui est simplement l'une des plus grandes prestations de l'histoire, incarne pleinement cet animal, par son regard, sa voix, sa démarche. La bestialité, la nature profonde de l'homme, voilà ce qui est parfaitement évoqué par Paul Thomas Anderson, et ce qu'il évoquera par la suite avec un autre chef d'œuvre : The Master.


Point commun d'ailleurs avec The Master, la réflexion sur la croyance. Ce qui marque dans le film, c'est ce duel titanesque avec Eli Sunday (joué par Paul Dano, également génial), pasteur illuminé et intéressé. Ici, la croyance, qui pourrait être une échappatoire à la misanthropie, est souvent dévoyée : Eli s'intéresse surtout aux subventions ainsi qu'aux forages, tandis que Daniel allie à sa misanthropie un cynisme qui le détache de toute forme de croyance.


Je pourrais également évoquer la naissance du capitalisme décrite par le film. L'autre pilier de l'Amérique, avec la religion, est en effet l'argent. Le cynisme de Plainview lui permet de donner cours à des tractations versatiles, qui semblent alors la seule raison d'être du personnage.


Ainsi, There Will Be Blood est à la fois un film-matière et un film-somme. En bref, un retour flamboyant aux récits fondateurs de l'Amérique, et du cinéma.

DakoCookie
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le 15 mai 2020

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