Daniel Plainview peut-il ressentir autre chose que de la haine ? Peut-il, dans sa misanthropie, arriver à un autre résultat qu'une avarice de tous instants ? Si certains plans tentent de nous faire croire le contraire, Anderson, lui, nous raconte une toute autre histoire.


Et c'est là tout le génie de ce film. Il est un modèle de mise en scène. Il est toujours impressionnant, à chaque visionnage, de constater tous les indices que nous laissent le réalisateur pour contredire sa propre histoire. Comme si son scénario échappait à tout contrôle, laissé au réalisme bluffant d'un personnage plus vécu que joué, et que le seul aspect sur lequel PT peut avoir de l'influence est la façon dont cette histoire sera racontée.


Car Plainview est maitre de tous les instants. C'est lui qui lancera le film ("There she is"), et le terminera ("I'm finished"). Et malgré tout ça, malgré l'impassibilité d'un personnage jamais prêt à se livrer à qui que ce soit, il n'échappera pas à la loupe (ou plutôt à l'objectif) du réalisateur, qui se fait ici omniscient.


Et ce dernier n'hésite pas à utiliser tous les outils disponibles du langage cinématographique pour nous faire comprendre qui est réellement Daniel Plainview.


Que ce soit le montage, avec ces fondus enchainés nous emmenant systématiquement vers ces derricks imposants, et dont l'ombre ne laisse aucune échappatoire. Et c'est parfois frappant. Le premier plan proposant le personnage de DDL avec son nouveau fils adoptif dans le train nous rend difficile la pensée que ce sourire qu'il arbore n'est pas destiné à cet enfant, mais bien à tout ce qu'il peut lui rapporter. Si ce plan était seul, il n'y a aucun doute qu'on se laisserait prendre, nous aussi, à son jeu manipulatoire. Mais suit l'ombre des derricks.


Que ce soit le cadrage, véritable révélateur d'intentions. Outil indispensable, notamment lors du premier discours de Plainview à la population d'une ville perdue et à la recherche désespérée d'un sauveur, qui viendra avec un prix. Si lors de ce discours, le zoom avant laisse d'abord une part égale d'écran au personnage principal et à son fils, c'est finalement le prospecteur qui occupe toute la place laissée. Car malgré ce qu'il peut raconter, ce qui importe, c'est lui, et seulement lui.


On peut parler de la beauté plastique du film, de sa musique aussi dissonnante et impressionnante que ces monuments s'élevant vers le ciel, des prestations des acteurs (DDL en tête évidemment, mais n'oublions pas l'impressionnant Paul Dano, qui depuis ne cesse de m'enchanter dans tous ses rôles), ou encore de cette histoire universelle de la matérialité contre la spiritualité qui laisse peu de place à l'humanisme. Mais la véritable star ici, c'est bien Paul Thomas Anderson.


Il dit avoir fait ce film en hommage à Kubrick. Drôle d'hommage, que de le regarder dans les yeux pour le défier, et tutoyer ses sommets.

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le 19 oct. 2015

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Mayeul TheLink

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